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Le fond de l’air est brun

En 1977 sortait en salle le documentaire Le fond de l’air est rouge de Chris Marker, qui relatait l’émergence de la «Nouvelle Gauche» dans les années 1960 et 1970 à travers une série d’évènements historiques et retraçait les espoirs et les échecs d’une génération politique. Quarante ans plus tard, force est de constater que le fond de l’air a bien changé.

Le locataire de la Maison-Blanche met sur un pied d’égalité néonazis, membres du Ku Klux Klan et militants antiracistes. À la présidentielle française, le prétendu «échec» du Front national s’est traduit par un record de voix. Même l’Allemagne n’est pas épargnée avec l’entrée en force au Bundestag de l’AfD. Dimanche, l’Autriche a vu arriver en tête aux législatives Sebastian Kurz, jeune leader des conservateurs de l’ÖVP qui a fait campagne en plagiant grossièrement le programme d’un parti d’extrême droite fondé par d’anciens nazis, dont un officier de la Waffen-SS, le FPÖ.

En l’an 2000, l’entrée du FPÖ dans le gouvernement du chancelier Wolfgang Schüssel avait suscité l’effroi en Europe. L’Union européenne avait même sanctionné l’Autriche. En 2017, si l’entrée du FPÖ et ses 26 % des voix au gouvernement ne fait guère de doute, la réaction de l’UE risque d’être bien différente. La question des sanctions ne se pose même pas et il est à parier que si Heinz-Christian Strache, le leader du FPÖ, obtient par exemple le portefeuille des Affaires étrangères, il sera reçu sans sourciller par toutes les capitales européennes.

Mais au-delà des partis d’extrême droite proprement dits, c’est bien le climat politique dans son ensemble qui sent mauvais, les thèses de ces partis ayant remporté la bataille des idées. Ainsi, l’espace Schengen, symbole de l’utopie européenne, est en train d’être réduit à la portion congrue sous les coups de boutoir de Paris et Berlin. En France, le très télégénique président a pu avec le sourire et sans opposition mettre en place un état d’urgence permanent sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Ce ne sont là que des exemples parmi d’autres de la victoire idéologique des partis d’extrême droite. Si en 1977 le fond de l’air était rouge, en 2017, il a viré au brun.

Nicolas Klein