Une galerie de visages, comme tirés au hasard d’époques et de lieux divers, tapisse les murs du musée de la photographie Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône: l’exposition « Papiers, s’il vous plaît! » revisite l’histoire à travers des documents d’identité d’anonymes et des clichés de l’identité judiciaire.
« L’histoire de ces personnes se croise avec une histoire plus générale, mondialisée », analyse la commissaire de l’exposition Emeline Dufrennoy, qui cherche à décrypter dans ces images les liens parfois complexes entre la photographie et les autorités, du recensement à la surveillance des populations.
Différents modèles de cartes d’identité, émises en 1918 dans une Alsace tout juste redevenue française, reflètent l’embarras des autorités de l’époque à définir qui était français et qui ne l’était pas. Sur un autre mur, le détenteur d’un certificat de capacité (permis de conduire) de 1922 arbore une moustache touffue, de celles qui reviennent à la mode.
L’exposition puise dans les quelque 2 millions d’images du musée – qui porte le nom de l’inventeur de la photographie, natif de Chalon-sur-Saône -, associées aux innombrables documents d’identité rassemblés par un passionné alsacien, Ivan Epp, qui court les vide-greniers et les ventes sur internet.
Loin des exigences modernes des passeports biométriques
« Il faut parfois faire des recherches pour déchiffrer les cachets et savoir de quel document il s’agit », raconte le collectionneur, un retraité sexagénaire. « Paradoxalement, les plus durs à trouver sont les papiers contemporains, car les gens les gardent. »
Certaines photographies sont cocasses, comme sur cette carte d’identité où l’on voit une dame assise sur sa terrasse buvant son thé ou son café, loin des exigences modernes des passeports biométriques.
D’autres sont des portraits « face-profil » des forces de l’ordre, selon les méthodes du père de la police technique et scientifique en France, Alphonse Bertillon, inventeur du genre. Certains viennent des Etats-Unis, accompagnés d’empreintes digitales et surmontés de la mention « wanted » (recherché).
Les faux papiers d’une résistante juive et des documents où les symboles nazis ont été recouverts dans la France d’après-guerre évoquent une page plus sombre de l’histoire.
« Ce sont toujours les mêmes enjeux de contrôle des frontières et des populations », estime Emeline Dufrennoy, qui raconte avoir commencé à plancher sur les photos d’identité après l’apparition des fichés « S » dans l’actualité. « Je sentais que c’est un sujet qu’il pourrait être important d’aborder. »
Un peu plus loin, des photographies destinées à ficher des responsables syriens, prises par un colonel de l’armée française au moment de la chute de l’Empire ottoman, semblent résonner avec l’actualité.
Le Quotidien / AFP