À contre-courant des mouvements ultra-conservateurs qui prônent des thérapies de « réorientation sexuelle » au Brésil, une Église évangélique pas comme les autres accueille la communauté LGBT à bras ouverts, prêchant des messages d’amour contre l’intolérance.
Le pasteur, Fabio de Souza, a lui-même dû se livrer à tous types de sévices pour tenter de « soigner » son homosexualité, des bains de gros sel aux jeûnes forcés, en passant par les séances d’exorcisme.
Dans l’Église qu’il fréquentait enfant, on lui a toujours dit qu’être gay était « une chose démoniaque ». « J’étais en lutte constante contre moi-même, j’ai beaucoup souffert. Je n’arrivais pas à m’accepter », se souvient cet homme svelte de 37 ans.
Employé de banque à la ville, il a fondé en 2006 aux côtés de son mari Marcos Gladstone l’Église Chrétienne Contemporaine (ICC), la première du Brésil ouverte aux fidèles LGBT. « Les gens peuvent changer la couleur de leurs cheveux, mais pas leur être. Les homosexuels n’ont pas besoin de traitement, ils ont besoin d’amour », insiste-t-il, avant de prêcher dans le temple situé dans un quartier populaire du nord de Rio de Janeiro.
‘Le diable au corps’
La polémique autour du « traitement gay » a refait surface il y a deux semaines, après qu’un juge a autorisé les psychologues à pratiquer des thérapies de « réorientation sexuelle ». Cette décision a suscité un énorme tollé au Brésil et de grandes manifestations ont eu lieu le 22 septembre dans les grandes villes du pays.
Elle remet en cause le règlement du Conseil fédéral de psychologie (CFP) du Brésil, qui interdit ces pratiques, sous peine de retirer leur licence professionnelle aux thérapeutes.
L’homosexualité n’est plus considérée comme une maladie par l’OMS depuis 1990, mais des mouvements ultra-conservateurs liés aux églises néo-pentecôtistes ont intensifié récemment leur croisade antigay. « Ici, il y a beaucoup de ‘ex-ex gays' », ironise Fabio, qui accueille dans son temple un grand nombre d’homosexuels ayant participé à des rituels censés les « soigner ».
Parmi eux, Diego Fernando, 29 ans, ancien adepte de l’Église Universelle du Règne de Dieu, de Marcelo Crivella, maire de Rio depuis le début de l’année. « Ils me disaient que j’avais le diable au corps, un esprit mauvais qui habite en moi depuis le ventre de ma mère », raconte-t-il.
Pour « extirper le démon », Diego explique qu’il était aligné devant l’assemblée des fidèles aux côtés d’autres « malades », souffrant notamment d’addictions aux drogues ou à l’alcool, pour des séances d’exorcisme collectif.
« Il y avait des gens qui entraient en transe, qui tombaient à terre, comme possédés. Moi, ça ne m’est jamais arrivé », dit-il. Diego n’est pas le seul fidèle de l’ICC à avoir souffert pour concilier sa foi et son orientation sexuelle.
Rejetés de toutes parts, parfois par leur propre famille, d’autres se sont retrouvés au bord du suicide. « Ici, nous sommes accueillis à bras ouverts, sans préjugés », résume Katia Maria Soares, 29 ans.
Il y a deux ans, elle s’est séparée de son mari pour vivre avec Carolina, avec qui elle élève les trois enfants issus de précédents mariages.
‘Traitement contre le préjugé’
« Si je ne fréquentais pas cette Église, je serais probablement seul chez moi, saoul et complètement largué », admet Joao Barbosa. Cet infirmier de 47 ans est adepte de l’ICC depuis le début, quand les premiers cultes étaient clandestins et avaient lieu dans des appartements.
Aujourd’hui, la congrégation dispose de dix temples répartis dans tout le Brésil. Malgré une interprétation diamétralement opposée de certaines écritures, les cultes ressemblent à ceux de toutes les autres églises évangéliques, en pleine expansion au Brésil ces dernières années.
Pas de drapeau arc-en-ciel accroché aux murs, pas de slogans LGBT. Juste des chants, des danses, des lectures bibliques et la quête en fin de célébration. Mais au dernier rang, deux dames n’ont pas l’air à la fête.
Le pasteur Fabio explique que l’une d’elles vient d’apprendre que sa fille est lesbienne et a promis de faire un scandale quand cette dernière montera sur l’estrade pour chanter.
En fin de compte, elle préfère quitter le temple avant la fin du culte. « Le traitement que nous proposons ici, c’est un traitement contre le préjugé. Le préjugé est la maladie qui doit être soignée », souligne le mari de Fabio.
Le Quotidien / AFP