Avec « Mother! », le réalisateur américain Darren Aronofsky reste fidèle à sa réputation. Dans ce film qui fait débat, il mixe allègrement peur, angoisse, cauchemar et psychédélisme…
À bientôt 50 ans et avec neuf films au compteur, Darren Aronofsky fait débat. Depuis son premier long métrage (Pi, 1998) et encore aujourd’hui avec la sortie de sa nouvelle production, Mother!, il déclenche des réactions épidermiques – comme son compatriote Terrence Malick ou encore le Danois Lars von Trier. Aronofsky, c’est du cinéma qui décape, qui bouscule, qui interpelle le spectateur quand il ne va pas jusqu’à le brutaliser. Certes, il y eut bien un film «conventionnel», Black Swan (2011) et son Oscar de la meilleure actrice pour Natalie Portman, mais pour l’essentiel, le réalisateur s’est fait un devoir de proposer des œuvres qui posent question.
Alors, avec Mother!, on est servi. Le scénario, écrit par Aronofsky, tient en quelques mots : un couple voit sa relation remise en question par l’arrivée d’invités imprévus, perturbant leur tranquillité. Voilà, c’est tout simple ! Ensuite, il suffit de dérouler une histoire – à laquelle on peut trouver des airs de famille avec Rosemary’s Baby (1968) de Polanski et de Carrie (1976) de De Palma.
Donc, on a ce couple qui vit dans un grand manoir. L’homme (il n’a pas de nom, c’est «Il») est écrivain – il est en attente de l’inspiration; la femme («Elle») retape la maison récemment sinistrée. Débarque un autre couple, un homme et une femme particulièrement envahissants. On dira juste que, perdus, les deux se sont invités, qu’ils se servent dans la réserve d’alcool, vins et spiritueux et qu’ils déferont même les lits ! Ce qui indispose la jeune femme, mais son mari ne paraît pas gêné par cette présence. Et puis, dans ce huis clos au sein du manoir, surgissent dégradations, accidents et catastrophes…
Jennifer Lawrence : «J’ai lancé le script à travers la pièce»
On aura droit, pendant deux bonnes heures, à de sacrées doses de peur et d’angoisse, des manières mauvaises et puis aussi à un meurtre…. Fin de la première partie de Mother! Va arriver une bande de fans de l’écrivain qui, enfin (il ne faut jamais désespérer), a retrouvé l’inspiration et va écrire son chef-d’œuvre. Dès lors, c’est l’explosion «aronofskyenne». On est en pleine «zombie party», les fans bigots d’ «Il» sont dans l’attente de l’arrivée du bébé d’ «Elle» (thème déjà vu dans Rosemary’s Baby), on est prêt pour le cauchemar à la sauce psychédélique…
Et Aronofsky d’y aller dans tout ce qui fait son univers – du christianisme religion cannibale à l’absence de Dieu en passant par son grand intérêt pour les textes védiques ou encore la Genèse… Formellement, Mother!, ainsi mis en images, prouve que toute création mène inexorablement à la folie. Certains ne voudront y voir qu’un grand fourre-tout où l’on évoque la vie, la mort, l’amour…
D’autres salueront la mise en scène et la réalisation, l’une et l’autre impressionnantes. Portrait d’une femme en retrait par rapport à son mari quasi démiurge, le nouveau film du réalisateur vaut également par un casting haut de gamme. On trouve ainsi Ed Harris et Michelle Pfeiffer pour le couple qui s’invite, et surtout le grand Javier Bardem en écrivain en quête d’inspiration et, dans le rôle d’ «Elle», l’impeccable Jennifer Lawrence. Compagne de Darren Aronofsky à la ville, elle commente : «Quand j’ai eu le script entre les mains, je l’ai lancé à travers la pièce, avant de dire à Darren qu’il avait de sérieux problèmes psychologiques. Mais, sur l’écran, c’est un chef-d’œuvre !» Beau, d’accord, mais d’une violence sensible et d’une claustrophobie réaliste.
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan