Pour la première fois, les partis politiques ont signé un accord de fair-play en vue d’élections communales. Déi Lénk a refusé de le signer tandis que l’ADR n’y a consenti qu’en partie.
« Ne pas se livrer à des attaques personnelles contre les candidats », «ne pas diffuser des rumeurs sur les autres partis», «ne pas perturber les meetings des autres partis», «ne pas détériorer les affiches électorales des autres partis» : voici quelques-uns des commandements sur lesquels se sont accordés ce printemps des partis politiques en vue de la campagne pour les élections communales du 8 octobre. Cet accord discuté par l’ADR, le CSV, déi greng, déi Lénk, le DP et le Piratepartei constitue une première pour un tel scrutin. L’initiative en revient principalement au LSAP, selon nos informations.
Mais «franchement, nous n’avions pas besoin d’un accord pour respecter cela, ce sont des choses qui vont de soi, c’est une question de bon sens», raille Gary Diderich, l’un des deux porte-paroles de déi Lénk. C’est lui qui représentait le parti de gauche lors des négociations de l’accord avec les autres partis. Déi Lénk a finalement refusé de le signer dans son ensemble, non pas tant parce qu’il enfonce des portes ouvertes, mais surtout en raison de ce qu’il ne dit pas. Et notamment sur le nerf de la guerre, à savoir les dépenses que chaque parti va engager dans la campagne qui a officiellement démarré lundi.
De vifs échanges avec le DP
Sur le plan financier, le seul point sur lequel les partis se sont accordés est de ne pas dépasser un plafond de 75 000 euros de dépenses de publicité dans les médias, c’est-à-dire les journaux, l’internet, la télé, les radios et les salles de cinéma. «Pour le reste, les affiches, les gadgets et d’autres dépenses, aucune limitation sérieuse n’a été fixée alors que nous avions fait des propositions chiffrées», déplore Gary Diderich.
De fait, «les discussions ont été plutôt vives» entre le parti de gauche et le DP, ricane un conseiller communal de l’opposition à Luxembourg à qui le déroulement des négociations a été rapporté.
Si le budget dont dispose chaque parti pour mener campagne est fonction de son nombre d’adhérents et crée ainsi une inégalité, la motivation de déi Lénk pour refuser de signer n’était pas que financière : «Il s’agit aussi d’une question environnementale», poursuit le porte-parole du parti. «Nous voulions limiter le nombre de grands panneaux car ils sont généralement en PVC, tout comme les panneaux sandwichs apposés sur les lampadaires, mais aussi bien les grands partis que les plus petits ont refusé car ils avaient déjà passé commande. On nous a objecté qu’en Allemagne, le parti des Verts n’utilise que des matériaux recyclables, mais ce n’est pas le cas au Luxembourg où c’est le plastique qui est en usage.»
De la profession de foi écologique que font tous les candidats aux travaux pratiques qu’ils devraient mettre en œuvre, il y a un pas que déi Lénk est résolu à franchir pour ces communales : «Nous n’utiliserons que du papier pour les affiches et du bois pour les panneaux», assure Gary Diderich.
Les raisons qui ont pour sa part poussé l’ADR à rejeter une partie de l’accord sont plus immatérielles puisqu’elles concernent le volet dédié aux médias sociaux, comme Facebook, Twitter ou Instagram. Dès le mois d’avril, le secrétaire général du parti réformateur, Alex Penning, avait déjà longuement justifié le rejet par l’ADR de cet accord spécifique passé entre partis pour lutter contre «les abus sur les médias sociaux».
Joëlle Giannotte qui est candidate à Differdange et a suivi le dossier de près, rappelle que l’accord principal comporte déjà un point rejetant la tenue de propos haineux ou la diffusion de fausses informations sur les médias sociaux. Outre ce doublon, l’ADR estime l’accord inutile «car il ne prévoit aucune sanction».
L’islamophobie d’une candidate ADR
Mais ce qui chagrine surtout le parti, «c’est l’absence de limites clairement définies» dans ce qui est acceptable ou non. «C’est aussi un peu le flou artistique sur la définition de certains termes. S’il a été assez facile de s’entendre sur le sens que l’on donne à ‘fake news’ ou ‘hate speech’, il en était tout autrement des ‘social bots’. En fait, chaque parti avait une autre définition. Comment peut-on signer un accord si on n’est pas d’accord sur la signification des mots et comment l’électeur peut-il dès lors s’en sortir ?», interroge Joëlle Giannotte dont le parti a dû faire face, hier, à une levée de boucliers, l’une de ses candidates ayant posté des commentaires islamophobes sur Facebook et YouTube. Christiane Kies, qui se présente à Luxembourg, y estime notamment que les «musulmans sont des terroristes».
Quant aux «social bots», que l’on peut traduire par «robots sociaux», ils sont généralement définis comme un programme automatique associé à un ou plusieurs comptes réels ou fictifs ouverts sur les réseaux sociaux et qui génère automatiquement des publications, des commentaires et des likes. Ça peut toujours servir pour un prochain accord.
Fabien Grasser