Bernard Sainz, 74 ans, surnommé le Dr Mabuse, a été condamné mardi à neuf mois de prison ferme, en correctionnelle à Caen, dans une affaire de dopage dans le monde du cyclisme amateur et semi-professionnel, malgré ses constantes dénégations.
« Les témoignages, trois directs et cinq indirects, disent tous la même chose. Le rôle de Bernard Sainz, c’est la rédaction de protocoles de dopage qu’il dicte » au coureur, avait estimé à l’audience le 4 juillet Joséphine Lecardeur, vice-procureur de la République, avant de demander six mois de prison ferme et 20 000 euros d’amende. Le tribunal a condamné mardi celui qui se présente comme un « spécialiste des médecines douces » à une peine plus lourde : neuf mois ferme et 20 000 euros d’amende, pour incitation au dopage.
Son avocat Stéphane Mesones, qui avait plaidé la relaxe, n’était pas joignable mardi matin. Son client était absent à l’énoncé du jugement. Bernard Sainz a déjà été condamné en 2014 par la cour d’appel de Paris à deux ans de prison dont vingt mois avec sursis, notamment pour incitation au dopage et exercice illégal de la médecine. En 2013, la cour d’appel de Caen l’avait, elle, condamné à 3 000 euros d’amende pour exercice illégal de la médecine et travail dissimulé dans une affaire de dopage de chevaux.
« J’ai cette caricature diabolique de dopeur. Mais qu’est ce qu’il y a de concret ? Rien », s’était défendu en juillet à la barre Bernard Sainz, qui n’a pas de compte en banque à son nom. Mais un autre prévenu, Fabien Taillefer, ex-coureur dopé repenti, condamné mardi à trois mois d’emprisonnement avec sursis, s’était montré lui aussi catégorique. Il avait confirmé que Bernard Sainz avait, selon lui, conseillé son père, Fabrice Taillefer, ex-coureur et condamné lui aussi mardi, pour la prise d’hormones de croissance.
Pourquoi n’a-t-il pas dénoncé Sainz dès le début de l’enquête ? « Je ne savais pas si je referais du vélo. Beaucoup de présidents de clubs connaissent Sainz. C’est la même génération. Si on parle sur Sainz, on est grillé », avait poursuivi Fabien Taillefer, vainqueur en 2007 du Paris-Roubaix juniors, avant de se doper. S’il a également été mis en cause par un autre ancien coureur, Jérôme Chiotti, Bernard Sainz a longtemps bénéficié de l’appui d’ex-cyclistes connus.
« Gourou » au train de vie fastueux
Durant l’enquête, un autre prévenu avait témoigné encore davantage à charge contre Bernard Sainz. Mais cet ancien coureur, père de deux enfants, est mort en mai 2014, à l’âge de 30 ans, d’une overdose de cocaïne et d’antalgiques. Bernard Sainz fut son « gourou », selon Karine Fautrat, l’avocate de sa veuve, elle-même reconnue coupable mardi mais dispensée de peine. Le coureur décédé avait expliqué aux enquêteurs que Sainz donnait ses protocoles par oral, nommant les substances par des codes homéopathiques que le coureur devait apprendre par cœur.
Cette méthode avait aussi été filmée dans un reportage du magazine de France 2 « Cash Investigation », réalisé en collaboration avec Le Monde l’an dernier. A la barre, la veuve du coureur avait, en larmes, dit son dégoût aujourd’hui pour ce « monde pourri du sport ». Son avocate avait parlé de « l’emprise », selon elle, de Bernard Sainz sur les coureurs. Mais pour la défense, ces deux coureurs avaient intérêt à témoigner contre Sainz, pour s’attirer les faveurs de leur fédération. Et, selon le président du tribunal Christophe Subts, le dossier est plombé par une « absence totale de preuve matérielle ».
Reste que, fort d’un manoir avec plusieurs personnels de service, Bernard Sainz jouit d’un niveau de vie bien supérieur à ce que peut permettre une retraite de 700 euros, avait souligné Christophe Subts. Les pratiques de Bernard Sainz étaient « très rémunératrices », avait ajouté la magistrate du parquet.
Parties civiles, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens et la Fédération française de cyclisme recevront chacun, à titre provisoire, 5 000 euros de dommages et intérêt. Outre Sainz, Fabien Taillefer et la veuve, les autres prévenus ont été condamnés à des peines allant de cinq mois de prison avec sursis à huit mois avec sursis et 2 000 euros d’amende. Onze personnes étaient poursuivies au total.
Le Quotidien/AFP