Le Luxembourg vient de signer l’exploit le plus retentissant de son histoire. Des générations en parleront encore dans cinquante ans.
Ils ont pris le temps de savourer, les Lions, qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom. D’aller saluer la centaine de supporters réunie dans un coin du quart de virage, à chanter tout ce qu’ils savaient après 90 minutes à s’écraser et à souffrir devant la furia française et le souffle épique d’un Stadium en fusion. À la fin, ce sont eux qui ont fait la fête, sous les applaudissements du public toulousain. Et qui sont rentrés comme des héros au vestiaire, pendant que les Bleus se faisaient escorter par une bronca et la perte de deux points vitaux dans la perspective du Mondial-2018.
Il y a deux jours, quand Luc Holtz et ses hommes sont arrivés à Toulouse, les quidams qui traînaient aux alentours de leur hôtel s’interrogeaient sur le contenu de ce bus en train de faire une marche arrière. Un passant bien informé en a renseigné d’autres, assez curieux : «C’est l’équipe du Luxembourg!» «Ah, il n’y a pas de star à l’intérieur alors ?»
Non. Il n’empêche, à la mi-temps de ce match, hier soir, certains supporters, qui ne pouvaient pas se douter que leurs Bleus en seraient encore à 0-0 après 45 minutes de siège du but de Jonathan Joubert, ont dû commencer à apprendre leurs noms. Il n’y avait eu qu’un frisson (sur un départ de Turpel seul au but), pas moins de seize tentatives au but françaises et 80% de possession de balle pour les hommes de Didier Deschamps. Et pourtant, au coup de sifflet de M. Stavrev, le Luxembourg est toujours bien vivant.
«Luc Holtz va faire un AVC vu comme il s’agite», balance alors un collègue français. Logique : l’exploit n’est plus qu’à 45 minutes et vu l’intensité des vagues bleues sur le but luxembourgeois, il paraît bien plus loin qu’une seule petite mi-temps. À une éternité de là.
Les Bleus pataugent
Il faut dire qu’au-delà du résultat de la pause, les Roud Léiwen ont été vite renvoyés à leur impuissance supposée. Difficultés à rester compacts et à fermer les trous devant une telle vivacité et une telle science du déplacement. Difficultés à supporter l’impact, dans les duels. Difficultés à relancer proprement et à conserver le ballon. Mais ce n’est de toute façon pas là qu’on les attend. Mais plutôt dans l’intelligence, la gestion, le vice. Et la solidarité, surtout. De ce point de vue-là, le pays leur doit une standing ovation.
La veille, en conférence de presse, Hugo Lloris, capitaine des Bleus, a indiqué que la pire chose que pourraient faire ses gars, ce serait «de s’endormir». Après la grosse prestation de la première période, les Bleus… se sont endormis, pas conscients visiblement du danger de remettre en péril leur qualification, alors même qu’ils semblaient l’avoir quasi validée trois jours plus tôt contre les Pays-Bas. Avant la tête de Sidibé que Joubert va chercher au pied de son poteau (63e), ils n’ont balancé que deux tirs non cadrés.
Forcément, les minutes passent. Et plus les minutes passent, plus l’inquiétude s’empare du Stadium. Les Luxembourgeois défendent chaque centimètre de gazon avec l’énergie de l’espoir. S’enflamment même assez – au moment où les Bleus devraient, eux, être en train de se révolter – pour faire planer une angoisse étouffante durant toute la fin de rencontre. Se peut-il que l’impossible survienne ? 35 000 personnes ont la boule au ventre, la gorge serrée et les genoux qui tremblent. Un parfum d’éternité commence à planer sur ces dernières minutes. Il y a toujours un pied, un genou, une paire de fesses. Les miracles se construisent comme ça, à coups de centimètres qui se gagnent à la volonté. Et même à la rage. Les hommes de Holtz l’avaient. Ils n’ont pas fait match nul, ils ont gagné.
Julien Mollereau