La cellule jihadiste accusée des attentats de Catalogne, revendiqués par le groupe Etat islamique (EI), préparait une attaque à la bombe de plus grande envergure contre «des monuments», a reconnu l’un des principaux suspects.
Pendant une heure et dix minutes, Mohamed Houli Chemlal, un Espagnol de 21 ans né dans l’enclave sous administration espagnole de Melilla en Afrique du nord, a confirmé mardi devant le juge madrilène enquêtant sur ces attentats qui ont fait 15 morts et plus de 120 blessés ce qu’il avait dit à la police catalane. La cellule d’une douzaine de membres, dont huit sont morts, préparait «un attentat plus important» que les attaques de Barcelone et de Cambrils, une station balnéaire au sud-ouest de la capitale catalane, et qui aurait visé «des monuments», «à l’aide de bombes», selon une source judiciaire.
Le juge a décidé dans la soirée d’inculper Mohamed Houli Chemlal pour «assassinat terroriste» et de l’écrouer, comme un autre suspect, Driss Oukabir, un Marocain de 27 ans habitant comme lui la petite ville catalane de Ripoll, au pied des Pyrénées, où la cellule s’est formée. Le juge a laissé libre un troisième homme, qui reste «mis en examen» et placé sous contrôle judiciaire mais sans chefs d’inculpation précis, car les charges sont de son point de vue minces. Il s’agit de Mohamed Aalla, propriétaire d’une autre voiture ayant servi pour la deuxième attaque, à Cambrils.
Le juge s’est aussi donné trois jours pour prendre une décision concernant un quatrième suspect qu’il a entendu mardi. Il n’a en ce sens pas suivi les réquisitions du parquet, qui avait demandé que les quatre soient inculpés pour «assassinats terroristes» et écroués. Pour le quatrième, il attendra d’examiner le résultat de nouvelles perquisitions ordonnées dans le commerce du suspect mardi soir pour prendre une décision.
Clous et texte au nom d’Allah
Dans l’ordonnance justifiant ces décisions, on découvre une foule de détails jusque-là inconnus sur la préparation précipitée de ces attentats, après un plan A qui avait échoué. Mercredi, les suspects ont fait sauter par accident une maison où ils confectionnaient des engins explosifs à Alcanar, au sud de Barcelone. Dans les décombres, la police a découvert des indices démontrant leurs intentions criminelles, notamment «une grande quantité de bonbonnes de butane» et «une grande quantité de clous qui devaient être utilisés comme mitraille et des détonateurs pour déclencher l’explosion». Certains des ingrédients cités permettent de fabriquer du TATP, un explosif très prisé par l’EI.
Sous les gravats, la police a aussi découvert un texte manuscrit, glissé dans un livre de couleur verte: «Au nom d’Allah…. Brève lettre des soldats de l’Etat islamique dans la terre d’Al-Andalous (l’Espagne, quand elle était sous domination musulmane, ndlr) à l’attention des croisés, des haineux, des pécheurs…» L’explosion a tué un imam présent dans la maison, Abdelbaki Es Satty, soupçonné d’avoir radicalisé le groupe, et «au minimum» une deuxième personne, selon la justice. Mohamed Houli Chemlal, lui, a survécu. Il se trouvait dehors, sous le porche.
Plan B
Le lendemain, jeudi 17, faute de bombes, un «plan B» est déclenché. Une fourgonnette louée par Driss Oukabir est utilisée vers 17h00 à Barcelone par Younès Abouyaaqoub. En zigzaguant à vive allure sur la célèbre avenue des Ramblas, il tue 13 personnes et en blesse 120 autres. Ce Marocain de 22 ans poignarde ensuite à mort un automobiliste pour lui voler sa voiture. Dernier acte dans la nuit, vers une heure du matin à Cambrils, où cinq membres de la cellule, armées de quatre couteaux et d’une hache, foncent avec l’Audi A3 du grand frère de l’un d’entre eux sur une promenade et sont stoppés par un barrage de police.
Ils sont abattus par la police après avoir tué une personne d’un coup de couteau et en avoir blessé six autres. Après quatre jours de cavale, le conducteur de la camionnette tueuse de Barcelone, Younès Abouyaaqoub, est lui aussi abattu lundi par des policiers à Subirats, un village au milieu de vignobles à 50 kilomètres de Barcelone. Devant le juge, Mohamed Houli Chemlal a cherché à rejeter la responsabilité des attaques sur l’imam marocain tué dans l’explosion de la maison d’Alcanar.
Son incarcération et celle de Driss Oukabir referment le premier chapitre de l’enquête sur ces attaques qui ont secoué l’Espagne après plus de sept ans sans attentat majeur, mais la police continue à enquêter sur de possibles ramifications internationales. Au moins l’un des suspects s’est rendu à Zurich en décembre, selon la police fédérale suisse. Des billets d’avion pour Bruxelles au nom de l’imam ont aussi été trouvés à Alcanar.
Et l’Audi A3 utilisée à Cambrils a été flashée près de Paris par un radar de contrôle de la vitesse le 12 août avec quatre personnes à son bord, selon le ministre français de l’Intérieur Gérard Collomb, qui doit recevoir mercredi à Paris son homologue espagnol Juan Ignacio Zoido.
Le Quotidien/AFP