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Varroa : enfin un projet pour lutter contre l’ennemi numéro un des abeilles


Une vingtaine de scientifiques venus de toute l'Europe sont réunis jusqu'à ce mercredi à Brandenbourg. (Photo : Editpress)

Le gouvernement présentait mardi un projet d’amélioration génétique des abeilles visant à lutter contre le varroa, un petit parasite qui fait de gros dégâts dans nos ruches.

Pauvres abeilles! Déjà décimées par les pesticides, la pollution et les maladies, elles doivent aussi combattre un parasite, le varroa. Heureusement, le projet «Varroa Sensitive Hygiene», qui a attiré hier des scientifiques du monde entier dans le village de Brandenbourg, est en train de faire des avancées spectaculaires. Brandenbourg, c’est l’image même d’un village bucolique : entourée de forêts, cette localité fleurie est traversée par un charmant ruisseau… Tout ici respire la tranquillité campagnarde. Aussi, grande est notre surprise lorsqu’on découvre, derrière une porte de garage, une armée de scientifiques penchés sur leur microscope!

Cette vingtaine d’hommes et de femmes viennent de toute l’Europe. Leur mission : participer au projet d’amélioration génétique des abeilles, pour les rendre plus résistantes vis-à-vis de leur ennemi principal : le varroa. Cet acarien, qui parasite larves, nymphes et abeilles adultes, est originaire d’Asie, où les abeilles lui résistent… contrairement à leurs cousines européennes! Résultat, nos apiculteurs redoutent ces petits vampires qui participent à l’hécatombe de nos amies butineuses…

Mais certaines abeilles européennes résistent au varroa. Partant de ce constat, l’apiculteur luxembourgeois Paul Jungels a lancé le projet Varroa Sensitive Hygiene (VSH) : «Il s’agit d’élever des abeilles qui sont résistantes au varroa. J’espère que dans quelques années nous auront des ruches qui seront à 100 % résistantes au varroa!», explique ce précurseur, qui expérimente ce processus de sélection depuis 1994, l’améliorant sans cesse depuis.

Durant trois jours, les scientifiques réunis à Brandenbourg vont en effet étudier près de 160 ruches et la réaction des abeilles au parasite. Renaud Lavend’homme, un Belge apiculteur depuis 30 ans, fait partie du groupe. Il est l’initiateur du projet VSH avec Paul Jungels: «Ça faisait plus de dix ans qu’on en parlait avec Paul, et on a commencé réellement en 2014. On était alors six apiculteurs. On a copié notre système de sélection des États-Unis, et on l’a amélioré. Et franchement, on a de très bons résultats.»

Ce système est «un comptage technique, qui se fait à l’intérieur du couvain (NDLR : l’ensemble des œufs, larves et nymphes). On constate s’il y a reproduction ou pas du parasite. Si ce n’est pas le cas, alors c’est que l’abeille a développé une résistance.»

Une question de vie, pas de mort!

Des reines et des mâles sont ainsi sélectionnés et reproduits pour leur résistance au varroa. Arsène Mathias, président du groupe VSH, complète : «Le but de cette sélection est de ne plus utiliser de produits chimiques comme l’acide formique pour traiter le varroa. Les abeilles sont sélectionnées de façon naturelle. C’est un projet très important, car si on ne fait rien contre le varroa, chaque année, en septembre ou octobre, on découvre des ruches qui se meurent.»

Mais le projet VSH coûte évidemment du temps et de l’argent. C’est pourquoi les apiculteurs se réjouissaient, hier, de la présence du ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen. Le gouvernement va en effet soutenir financièrement le projet jusqu’en 2019. «C’est un projet très intéressant pour avoir des abeilles plus résistantes vis-à-vis de leur ennemi numéro un, le varroa. C’est aussi une façon de combattre le manque de biodiversité, c’est pourquoi nous sommes heureux de le soutenir dans le cadre de notre nouvelle loi agraire» résumait ainsi le ministre.

Pour Jean-Paul Beck, le président de la Fédération des unions d’apiculteurs du Grand-Duché de Luxembourg (FUAL), «ce projet est une excellente nouvelle. C’est la première fois qu’on ne parle pas de mort d’abeilles, mais de vie d’abeilles! On est en train de réaliser les premiers pas, mais je suis optimiste. Ce programme est prévu jusqu’en 2019, mais je suis certain qu’il sera prolongé!»

Bref, un bel exemple de coopération entre l’homme et la nature… Même si Renaud Lavend’homme nous rappelle à nos responsabilités : «Sur l’île de la Barbade, on trouve aussi des ruches, mais très primaires, l’homme n’intervient pas beaucoup. Or ces abeilles sont aussi confrontées au varroa, mais elles sont devenues résistantes, grâce à la sélection naturelle. Ici, en Europe, on a empêché la sélection naturelle, si bien qu’on doit intervenir avec ce genre de programme d’amélioration génétique pour protéger les abeilles.» En d’autres termes, l’homme doit résoudre des problèmes qu’il a lui-même créés…

Romain Van Dyck