Neimënster accueille jusqu’au 20 septembre l’exposition «Miami-La Havane. Portrait de famille», une mise en miroir entre les Cubains restés au pays et ceux l’ayant fui pour immigrer en Floride.
Ce sont une cinquantaine de photos, prises par une quinzaine de photographes, à La Havane et à Miami, entre les années 90 et l’an dernier, que regroupe «Miami-La Havane. Portrait de famille» dans les caves voûtées de l’abbaye de Neumünster. Des clichés toujours présentés par paires, ou séries, avec, pour chaque thème choisi, des images prises des deux côtés du détroit de Floride.
L’idée n’est pas nouvelle. Au contraire. Voilà une bonne quinzaine d’années que Bertrand Rosenthal, ancien directeur du bureau de l’AFP à La Havane, l’a proposée au Centre Pompidou de Paris. Mais, faute de financements, elle est restée dans les tiroirs; jusqu’au mois dernier quand elle a été, enfin, présentée à Luxembourg dans les locaux de l’abbaye de Neumünster. «Comme la Grande-Duchesse est cubaine, je me suis dit qu’il y avait peut-être moyen de relancer ce projet», explique le cocommissaire, Frank Renevier. Avec Pierre-Antoine Laurent (Museal Editions), on a réussi à mettre en place un budget qui nous a permis de monter cette exposition qu’on présente ici en premier lieu, mais qu’on espère ensuite itinérante.»
Au moment où le réchauffement diplomatique est lancé entre Cuba et les États-Unis, il n’est pas superflu de rappeler les nombreux points qui lient encore et toujours les Cubains restés sur l’île et ceux installés tout près, en Floride. «Les médias s’intéressent surtout à la férocité des oppositions idéologiques qui peuvent exister entre le régime cubain et les exilés de Floride. Ça masque, aux yeux de l’opinion, le fait que finalement, même après trois générations d’exil, énormément de choses rassemblent les Cubains de La Havane et ceux de Miami.»
«Un terrain de discussion est possible»
Pour représenter cette proximité, Bertrand Rosenthal a choisi diverses thématiques chères aux Cubains des deux côtés du détroit : la salsa, les dominos, José Marti, les quinzeañeras, les intérieurs des maisons surchargés de bibelots, le fétichisme de l’auto et surtout des vieilles américaines, la santeria, les danseuses de cabaret, les cigares, la musique, et surtout les percussions, le ballet, le baseball, l’enrôlement politique des enfants ou encore Fidel Castro. «Il en manque un certain nombre comme la boxe, les combats de coqs, la Brigade 66 en Floride/les Forces armées cubaines, énumère Frank Renevier. Mais comme on a dû réaliser l’exposition en six mois seulement, on n’a pas eu le temps», regrette-t-il.
Des stéréotypes diront certains, «une mise en miroir, un face-à-face, qui montre la parenté existentielle qui demeure malgré les conflits idéologiques et politiques». Il poursuit : «C’est, en définitive, une modeste contribution pour un rapprochement entre les deux rives du détroit, car il faudrait qu’un jour ces gens-là se rendent compte qu’ils sont toujours frères, et que, donc, un terrain de discussion est possible.»
Bref, l’exposition propose quelques beaux clichés, mais engage surtout une réflexion intéressante, tellement certains des clichés pris de chaque côté du détroit se ressemblent; tellement les gens qui s’y trouvent semblent pouvoir être téléportés de l’autre côté sans que cela jure dans l’ensemble. C’est bien vu!
Pablo Chimienti
Neimënster – Luxembourg.
Jusqu’au 20 septembre.