La guérilla des Farc a décrété un cessez-le-feu illimité en Colombie, un geste sans précédent depuis le lancement du processus du paix, tout en mettant la pression sur le gouvernement, qui a toujours refusé jusqu’ici un armistice.
Jusqu’alors, la rébellion marxiste, la plus ancienne d’Amérique latine qui compte encore 8 000 combattants après un demi-siècle d’existence, n’avait observé que des cessez-le-feu temporaires à la période de Noël. (Photo : AFP/Luis Robayo)
Depuis La Havane, où ont démarré il y a deux ans des pourparlers, la délégation des Forces armées révolutionnaires de Colombie a annoncé mercredi « l’interruption des hostilités pour une durée indéterminée ».
Jusqu’alors, la rébellion marxiste, la plus ancienne d’Amérique latine qui compte encore 8 000 combattants après un demi-siècle d’existence, n’avait observé que des cessez-le-feu temporaires à la période de Noël. Elle a toutefois prévenu que sa trêve serait suspendue en « cas d’attaques de la part de la force publique » et prôné la mise en place d’observateurs internationaux, une condition nouvelle. « Cette annonce constitue une décision politique fondamentale des Farc pour avancer vers la recherche d’une fin de la confrontation, avant même la signature définitive d’un accord », indique à l’AFP le politologue Jaime Zuluaga, enseignant à l’université nationale de Bogota.
Jusqu’à présent, le gouvernement du président Juan Manuel Santos s’oppose à tout cessez-le-feu militaire avant un accord définitif, estimant qu’une trêve renforcerait la guérilla et éloignerait la perspective d’une paix, après un conflit qui a fait quelque 220 000 morts et 5,3 millions de déplacés, selon des chiffres officiels.
Dans les années 80, une précédente tentative de dialogue avait permis d’aboutir à un cessez-le-feu des Farc, imité par le gouvernement de Belisario Betancur à cette époque. Mais une vague d’assassinats contre des militants d’extrême gauche avait fait avorter l’expérience.
> « Chantage »
Directeur du Cerac, centre d’études colombien spécialisé dans le conflit, Jorge Restrepo souligne que la proposition actuelle des Farc revêt un « côté diabolique en obligeant le gouvernement à répondre à ce geste de paix ». Selon cet expert, le gouvernement pourrait trouver une « sortie » en annonçant une « suspension des opérations offensives contre les Farc ». « Cela ne serait pas un cessez-le-feu bilatéral, car par exemple le gouvernement n’aurait pas à laisser ses troupes à la caserne, ni à renoncer à des opérations militaires de contrôle territorial », poursuit-il.
Le gouvernement se retrouve ainsi acculé par les Farc après la grave crise traversée le mois dernier par le processus de paix, après la capture par les rebelles d’un général de l’armée, finalement relâché le 30 novembre dernier. Cette libération avait permis de renouer les négociations de paix, suspendues à l’initiative de M. Santos, et les deux camps s’étaient alors engagés à contribuer à une « désescalade » du conflit, afin d’accélérer le rythme des discussions.
Les pourparlers ont déjà permis d’aboutir à des accords partiels sur la nécessité d’une réforme rurale, à l’origine même de la naissance des Farc, la participation des ex-guérilleros à la vie politique ou encore la lutte contre le trafic de cocaïne, dont la Colombie demeure l’un des premiers producteurs au monde. Restent encore à régler les questions de la réparation pour les victimes, l’abandon des armes et les modalités d’une consultation populaire en cas d’un accord final. « Il y a encore beaucoup de choses à négocier. La décision des Farc n’offre aucune garantie pour la fin du conflit, mais c’est une avancée », selon M. Restrepo.
L’annonce surprise du cessez-le-feu illimité de la part de la guérilla a aussi ravivé en Colombie l’opposition au processus de paix actuel, emmenée par le prédécesseur de M. Santos, l’ex-président Alvaro Uribe, toujours populaire pour sa fermeté à l’égard des Farc. Ce dernier a réagi en qualifiant de « chantage » la position de la rébellion, dans un message sur Twitter. Selon lui, la guérilla veut que l’armée « reste calme afin de se renforcer » ou « la rendre responsable de la continuité de la violence ».
AFP