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Karolina Markiewicz : « la réputation de la Pologne est en jeu »


Des manifestations ont été organisées devant l'ambassade de Pologne à Luxembourg. Les Polonais du Grand-Duché sont inquiets concernant l'évolution politique de leur pays d'origine. (Photo : Le Quotidien)

Enseignante et réalisatrice d’origine polonaise, Karolina Markiewicz ne rate pas une manifestation contre le pouvoir du PiS, le parti conservateur polonais. Entretien.

Le double veto du président Andrzej Duda, pour s’opposer aux lois controversées sur la Cour suprême et sur le statut du Conseil national de la magistrature, est-il une surprise pour vous ?

Karolina Markiewicz : Ce n’est pas vraiment une surprise, mais je suis contente et à la fois méfiante. Ce qui m’effraie, c’est vraiment que le gouvernement PiS ne se remette aucunement en question. Je viens de lire quelques articles et quelques interviews des membres conservateurs du PiS et réellement la réputation de la Pologne est en jeu. Hier, la Première ministre a fait une allocution dans laquelle elle fait bien comprendre que le gouvernement ne lâchera rien, ajoutant que le parti « est là pour les pauvres gens ».

Vous allez régulièrement en Pologne, où réside encore une partie de votre famille. Comment réagit-elle ?

Quand je vais en Pologne, je ne suis entourée que de gens qui sont profondément attachés au maintien de la démocratie et des valeurs européennes. C’était un choc d’avoir un gouvernement très à droite, d’autant plus surprenant qu’il détruit quelque chose qui s’est construit ces 30 dernières années. J’ai participé aux manifestations à Luxembourg la semaine dernière et la plupart des membres de la communauté polonaise qui résident ici, hormis l’ambassadeur de Pologne, est vraiment dans cette idée du maintien de la séparation des pouvoirs. Il y aura une autre manifestation samedi prochain en ville, les autorisations sont en cours. Il faudrait que ce soit un problème européen. Quand les manifestations ont eu lieu en Hongrie contre Orban, on n’a pas assez soutenu ces gens. Les Polonais sont plus virulents, dans le sens mieux organisés. Je caresse naïvement l’espoir, comme mes amis polonais, que cela servira à quelque chose.

Bruxelles s’est montré assez clair ou les Européens doivent-ils monter le ton ?

L’article 7 serait une catastrophe (NDLR : le pays peut être suspendu de son droit de vote en guise de sanction). Mais la Pologne est un pays majeur dans le club de Visegrad. Il y a un plan de la part de ces gouvernements, identiques à ceux du PiS, de créer une communauté de pays antieuropéens alors qu’ils profitent des fonds et des valeurs européennes, ils circulent librement, et à l’échelle européenne il y a un dynamisme entrepreneurial. Les sanctions devraient atteindre les gouvernements. Jean Asselborn a dit aujourd’hui à la radio allemande que la pression de la Commission doit être maintenue, même s’il pense aussi que le président, Andrzej Duda, a bien fait de s’émanciper en mettant son double veto.

Dans quelle ambiance vit-on en Pologne aujourd’hui ?

Les Polonais, comme les Français, parlent beaucoup de politique en famille, donc on se sent très concernés par les évènements actuels. Mes parents, par exemple, sont terrifiés car ils sont partis en tant que réfugiés politiques en 1970 pour arriver au Luxembourg et ils se disent que ce n’est pas bon du tout. Le reste de la famille, mes grands-parents, toute ma famille, ce sont des gens éduqués. Des amis de mon âge ne sont pas allés voter, comme en France. C’est une crise générale et les jeunes surtout se sont désintéressés du processus démocratique. Il y a eu 53 % d’abstention en 2015 donc PiS ne représente que 37 %. En Pologne, les dirigeants veulent se maintenir au pouvoir et s’ils ont les pleins pouvoirs par rapport à la justice, ils peuvent influencer les élections.

Entretien réalisé par Geneviève Montaigu