Corto Maltese, l’un des plus célèbres aventuriers de la bande dessinée, fête ses 50 ans avec une nouvelle aventure en Afrique équatoriale, signée par les auteurs espagnols Juan Diez Canales et Ruben Pellejero.
Prévu pour septembre, l’album «Equatoria» arrive deux ans après «Sous le soleil de minuit», avec lequel les deux vétérans de la BD espagnole ont redonné vie au globe-trotter et capitaine de marine marchande né sous la plume du dessinateur italien Hugo Pratt en 1967. Le personnage est d’abord devenu célèbre en France via la mythique revue Pif Gadget, avant de connaître la gloire dans le monde entier.
Après un hiatus de deux décennies, dû à la mort d’Hugo Pratt en 1995, la réapparition de Corto Maltese en 2015 fut un tel succès en librairie que la vie du marin s’annonce désormais longue: les éditeurs promettent déjà d’autres albums dans le futur. La nouvelle aventure de Corto, séduisant marin connu pour sa casquette, ses rouflaquettes et son regard perçant, se déroule en 1911, essentiellement en Afrique centrale, mais aussi dans les ports de Venise, d’Alexandrie ou de Zanzibar.
Le scénariste Juan Diaz Canales, connu pour la série noire Blacksad, a expliqué avoir dû faire un travail d’enquête «compliqué, car au niveau géographique les frontières ont énormément changé» depuis cette époque. L’album respecte beaucoup des canons définis par Hugo Pratt, comme les pages structurées en quatre bandes horizontales, la présence des mouettes ou la posture du personnage, tanné par ses pérégrinations sur les mers, dans les jungles ou dans des paysages du Grand Nord.
Personnage rénové
Mais il contient aussi des nouveautés. «Le traitement graphique des femmes, nombreuses dans ‘Equatoria’, est vraiment propre à Ruben Pellejero», créateur avec l’Argentin Jorge Zentner de l’anti-héros Dieter Lumpen, inspiré de Corto, explique le scénariste Diaz Canales. «Et la manière d’écrire les dialogues s’approche plus de ce que je faisais dans Blacksad», explique-t-il. «Nous avons voulu allier la fidélité à une certaine esthétique et à notre propre évolution», confirme Ruben Pellejero, disant se sentir «entre deux eaux»: entre le respect pour le personnage créé par Hugo Pratt et sa propre initiative en tant qu’auteur.
Techniquement, «le visage et l’attitude (du personnage) sont très compliqués à dessiner. Et si tu t’en éloignes trop, il te reste un monsieur avec une casquette et des favoris mais qui n’est pas Corto Maltese», résume-t-il. Mais l’avantage de ce personnage ironique et séducteur, attaché à sa liberté mais solidaire de ses pairs, est qu’il «peut être transposé à n’importe quelle époque», ajoute Diaz Canales.
En choisissant l’année 1911, les deux auteurs continuent aussi à explorer une époque esquivée par Hugo Pratt dans ses douze albums, entre la fin de la guerre russo-japonaise de 1905 et le début de la Première Guerre mondiale en 1914. «Sous le soleil de minuit», situé en 1915, s’aventurait déjà dans cette période, avec des pérégrinations dans le Grand Nord américain et canadien. Corto Maltese, fils d’une gitane andalouse et d’un marin de la Royal Navy, y rencontrait l’écrivain Jack London.
La première aventure de Corto Maltese, «La ballade de la mer salée», fête en juillet les cinquante ans de sa première publication dans la revue italienne Sergent Kirk. La société suisse Cong, propriétaire des droits d’auteur, tout comme l’éditeur de Corto Maltes en Espagne, Norma, se disent optimistes pour ce 14e volet, le précédent s’étant écoulé à plus de 220 000 exemplaires. «Sous le soleil de minuit a beaucoup plu aux fans de toujours de Corto Maltese et nous a aussi permis de gagner de nouveaux lecteurs», affirme Luis Martinez, éditeur de Norma.
En France, Equatoria est publié par Casterman et bénéfice d’une pré-parution sous forme de feuilleton pendant l’été dans le Figaro Magazine. Il sera dans les librairies françaises le 27 septembre, deux jours avant sa sortie en Espagne, en deux versions (couleur ou noir et blanc), et on le trouvera en Italie le même mois, pour un tirage total de 200.000 exemplaires sur les trois pays. L’ensemble des anciens albums de Corto Maltese se vendait ces dernières années au rythme annuel d’environ 100.000 exemplaires, mais en 2015, année de la «résurrection» du personnage, elles ont triplé, selon la maison d’édition Cong.
Le Quotidien/AFP