La cour d’appel de Metz a débouté vendredi 755 anciens mineurs lorrains exposés à des produits nocifs qui réclamaient une reconnaissance plus large de leur préjudice d’anxiété, et a considéré que les dommages alloués en première instance n’étaient pas justifiés.
La cour d’appel «a débouté les appelants de l’intégralité de leurs prétentions, revenant ainsi sur la décision des premiers juges», de leur allouer 1.000 euros de dommages, est-il expliqué dans un communiqué. Avec cette décision, elle «se range dans la ligne de ceux qui ne veulent pas reconnaître que, dans ce pays, aujourd’hui encore, il y a des gens qui perdent leur vie à vouloir la gagner», a réagi devant le TGI François Dosso, responsable CFDT.
«Si nous devons aller devant la Cour européenne (des droits de l’Homme), nous irons, avec ceux qui resteront. Parce que on en perd tous les jours des copains». Visiblement ému, le responsable syndical est revenu sur le passé des mines : «On a donné notre santé pour redresser le pays deux fois, de 1945 à 1955 et de 1973 a 1985. Cet effort, qui se traduit par des morts prématurés, on le fera reconnaître. Nous ne nous cacherons pas pour mourir».
En première instance, les prud’hommes de Forbach (Moselle) avaient estimé que Charbonnage de France (CdF, aujourd’hui liquidé) avait commis une faute en exposant des centaines d’entre eux à au moins deux produits dangereux : les poussières nocives et le formol. Les mineurs avaient fait appel et demandé des dommages-intérêts jusqu’à 30 000 euros, et la reconnaissance de manquements de sécurité de la part de Charbonnage de France pour 24 substances cancérigènes avec lesquelles ils étaient en contact.
La cour d’appel est revenue sur le préjudice d’anxiété des anciennes «gueules noires», estimant qu’il n’était pas indemnisable, car les mineurs ne font pas partie des bénéficiaires listés dans l’article de loi de 1998. Cette loi réserve l’indemnisation du préjudice d’anxiété «aux travailleurs de l’amiante, employés dans des entreprises répertoriées par arrêté ministériel et dont ne font pas partie les établissements de CdF».
Sur les manquement de sécurité, la cour a considéré que «l’employeur a pris toutes les mesures nécessaires de protection (…) et d’information et de prévention». «On avait un simple masque pour la poussière, qu’on devait garder 3 ou 4 jours. Et quand on réclamait, on nous disait +mets toi un chiffon autour du nez+», s’insurge Emidio Margani, 53 ans, dont plus de 20 passés au fond de la mine.
«Je sentais le charbon qui me grinçait dans les dents quand je fermais ma bouche, j’étais noir des pieds à la tête… je suis scandalisé». Aujourd’hui, «j’ai peur qu’on me découvre quelque chose, oui, j’ai peur», ajoute-t-il. Une trentaine de mineurs ont développé des cancers depuis le début de la procédure en 2013, certains reconnus comme maladie professionnelle par le tribunal des affaires de sécurité sociale. Mais, ils «ne rapportent pas la preuve d’un préjudice quelconque antérieur à l’apparition de la maladie et à la reconnaissance de son caractère professionnel», souligne-t-on à la cour d’appel, qui se borne à reconnaître «expressément la pénibilité manifeste des conditions extrêmes de travail, spécialement dans les galeries de mines».
Le Quotidien/AFP