Les forces irakiennes se disaient mercredi tout près d’achever la reconquête de Mossoul, dernier grand bastion urbain des jihadistes en Irak, après huit mois de sanglants combats qui ont dévasté la deuxième ville du pays.
Malgré la poursuite des combats pour chasser les jihadistes de leur dernier carré dans la ville septentrionale, le Premier ministre Haider al-Abadi a, dans une déclaration télévisée, félicité par avance le peuple et les militaires irakiens «pour avoir réussi une victoire majeure à Mossoul».
Au bord de la ligne de front, dans la vieille ville en partie ruinée par les violences, les forces d’élite du contre-terrorisme (CTS) sont arrivées à environ 200 mètres du fleuve Tigre, contre lequel sont acculés les derniers jihadistes du groupe État islamique (EI) retranchés dans des pâtés de maisons. «Nous ne sommes plus qu’à 200 mètres du Tigre», a déclaré à l’AFP le lieutenant-colonel Haider Hussein, commandant d’une unité du CTS, dans une maison reprise à l’EI.
«Nos ennemis utilisent des kamikazes à pied, surtout des femmes. Ils attendent également dans les maisons et se font exploser ou ouvrent le feu quand nous y entrons», a-t-il ajouté. «C’est la seule stratégie qui leur reste, ils ne peuvent plus se battre à distance car nos forces contrôlent le terrain», a expliqué le commandant, précisant que la plupart des derniers jihadistes à Mossoul «sont des étrangers».
Odeur de mort
Devant la maison où stationne une partie de son unité gît un corps de femme enveloppée d’une tunique noire. Selon les militaires, il s’agit d’une kamikaze qui a tenté de se faire exploser à leur contact une heure plus tôt. «Nous avons mis en place des couloirs d’évacuation sûrs pour que les civils puissent sortir», et ces derniers sont fouillés «pour s’assurer qu’aucun kamikaze ne s’est glissé parmi eux», a dit le lieutenant-colonel Hussein.
Dans le dédale de la médina millénaire, des tirs incessants d’armes automatiques se font entendre, entre deux raids aériens, tirs d’obus ou autres explosions. Les ruelles sont jonchées de vêtements et objets divers abandonnés en route par les civils tout juste «libérés» par l’avancée des forces irakiennes, après avoir vécu pendant des mois sous le joug de l’EI qui les utilisait comme «boucliers humains».
Certains passages dégagent une odeur de mort insoutenable, venue de cadavres abandonnés de jihadistes, ou de maisons effondrées sur des combattants ou civils. Des flaques de sang à moitié séchées s’échappent de certaines portes de maisons. Des membres des CTS parcouraient les alentours avec des chiens renifleurs, sans doute à la recherche d’engins explosifs qui ont fait de nombreuses victimes parmi les forces de sécurité.
Combats à Raqa
Les CTS se déplacent vers le front par de petits passages aux trous creusés dans les murs des maisons, ou les fenêtres . Dans la chaleur étouffante de l’été –près de 50 degrés Celsius- le ravitaillement des troupes se fait à pied depuis l’arrière de la vieille ville par des soldats chargés d’eau, de melons, de plats de riz et de pains de glace. Des civils continuaient d’arriver du front, comme ces deux femmes et trois filles qui ont pu poursuivre leur route après que leurs affaires ont été fouillées par les soldats.
«Mon mari a été tué par un tir de mortier en allant acheter du lait pour notre fille» et «mon père a été exécuté par l’EI lorsque nous avons tenté de nous enfuir» il y a près d’un mois, a expliqué à un soldat une des femmes, tremblantes et au bord des larmes. Soutenues par la coalition internationale dirigée par les États-Unis, les forces irakiennes ont lancé le 17 octobre la bataille pour reconquérir Mossoul, tombée aux mains de l’EI en 2014.
La perte de cette ville ne marquerait pas la fin de la guerre contre l’EI, qui contrôle toujours plusieurs zones en Irak et en Syrie voisine où les jihadistes sont également la cible d’une offensive contre leur fief de Raqa (nord). Mardi, des combattants arabes et kurdes syriens soutenus par les États-Unis ont avancé dans la vieille ville de Raqa, au lendemain de leur première percée dans cette zone fortifiée.
De violents combats secouent la vieille ville, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Les jihadistes opposent une résistance farouche, lançant des drones armés et des voitures piégées en direction de leurs adversaires. Profitant de la guerre en Syrie et de l’instabilité politique et sécuritaire en Irak, l’EI s’est emparé en 2014 de vastes territoires en Irak et en Syrie, faisant de Mossoul et Raqa les principaux fiefs de son «califat», aujourd’hui en lambeaux.
Le Quotidien/AFP