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Une Française jugée en tant que passeuse présumée d’un migrant par amour


Soupçonnée d'avoir organisé "le passage d'étrangers au Royaume-Uni et en assurant leur prise en charge (...) en bande organisée", elle risque jusqu'à 10 ans de prison, notamment pour avoir fait passer son amoureux en bateau vers la "terre promise" anglaise en juin 2016. (photo AFP)

Le scénario est digne d’un film hollywoodien : Béatrice Huret, 44 ans, ex-sympathisante d’extrême droite tombée amoureuse de Mokhtar, un migrant iranien de la « Jungle » de Calais, est jugée mardi en France pour l’avoir aidé à passer en Angleterre, « par amour ».

« J’attends de ce procès qu’on comprenne ce que j’ai fait et pourquoi je l’ai fait. Je sais ce que j’ai fait. J’assume parfaitement », a affirmé Béatrice Huret, à son arrivée au tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (nord). « Le but de ma vie c’est lui. Je suis prête à lui donner ma vie. La seule chose qui m’embêtera, c’est de ne plus voir Mokhtar si je suis en prison », a ajouté Béatrice Huret, avant que le procès débute.

Soupçonnée d’avoir organisé « le passage d’étrangers au Royaume-Uni et en assurant leur prise en charge (…) en bande organisée », elle risque jusqu’à 10 ans de prison, notamment pour avoir fait passer son amoureux en bateau vers la « terre promise » anglaise en juin 2016. Veuve d’un policier aux frontières, formatrice pour adultes, Béatrice Huret menait une vie routinière. Sa vie bascule une première fois en février 2015 quand elle découvre la « Jungle » de Calais « par hasard », en prenant en stop un jeune réfugié soudanais qu’elle dépose à l’entrée du camp. « Cela a été un choc », expliquait-elle début juin. La « Jungle », où de 6 000 à 8 000 migrants s’entassaient dans un bidonville insalubre, avec l’espoir de passer en Angleterre, a été démantelée en novembre 2016 par les autorités françaises.

« Un coup de foudre »

Béatrice Huret décide de devenir bénévole. Un an plus tard, elle croise le regard de Mokhtar pour la première fois. Il fait partie des migrants iraniens qui se sont cousus la bouche pour protester contre le démantèlement d’une partie du bidonville. C’est « un coup de foudre », confie-t-elle. Après avoir perdu sa trace, elle accepte des mois plus tard via une connaissance de la « Jungle » d’accueillir Mokhtar et un autre Iranien à son domicile, où elle vit avec sa mère, 76 ans, et son fils de 19 ans. Leur relation débute : « Mokhtar m’a rendu le goût de l’amour oublié », écrit cette ancienne électrice du parti d’extrême droite Front national, pour qui elle votait « sans se poser de questions ».

Désireux de rejoindre l’Angleterre coûte que coûte, Mokhtar tente un passage en camion. Échec. Vient alors l’idée d’acheter un bateau pour la traversée – périlleuse – du détroit, une pratique peu courante. Béatrice Huret trouve un bateau sur internet et organise la traversée de Mokhtar et deux autres Iraniens le 11 juin 2016. Son nouveau compagnon de 37 ans, ex-professeur de persan en Iran, vit maintenant à Sheffield, dans le nord de l’Angleterre où il a obtenu un permis de travail. Il reçoit régulièrement la visite de Béatrice… Qui est interpellée à son travail mi-août et placée en garde à vue.

Accusée d’être une passeuse, elle rétorque dans son livre (Calais, mon amour aux éditions Kero) : « J’ai amené un bateau sur une plage. Point. Je l’ai fait par amour (…), ça ne m’a rien rapporté ». Mais selon l’accusation, les mis en cause faisaient bien partie d’une structure organisée de passeurs de migrants, occasionnant de juteux profits pour certains d’entre eux. En outre, Béatrice Huret aurait déposé deux autres Iraniens dans un bois du Pas-de-Calais (face aux côtes anglaises) à proximité de camions mi-juillet, bien après le passage de Mokhtar. « Ma cliente a fait tout ça pour raison humanitaire. Je ne vois pas comment on va pouvoir retenir la bande organisée », a fait valoir son avocate Me Marie Hélène Calonne, qui plaidera la relaxe.

Le Quotidien/AFP