Alors que la bataille fait rage en Europe pour attirer les banques et sociétés financières aujourd’hui basées à Londres après le Brexit, le Financial Times a consacré vendredi dernier une série d’articles au Luxembourg et à sa place financière… mais aussi à ses vins et ses châteaux.
Pas moins de sept articles composent ce dossier spécial librement accessible en ligne et présenté ainsi : « Les entreprises financières ont les yeux braqués sur le Luxembourg comme siège potentiel pour leur base européenne après le Brexit, tandis que le pays a dû répondre au scandale fiscal LuxLeaks. »
À côté de papiers sur les Fintech et la concurrence asiatique, deux articles portent notamment sur cette compétition qui s’engage (face à Paris, Francfort, Dublin ou Amsterdam) pour attirer les compagnies financières et autres sociétés d’assurances, actuellement installées au Royaume-Uni et qui voudront conserver un accès au marché unique européen après le Brexit.
« Pas de numéro de charme »
Mais le Grand-Duché est présenté comme un pays dont les autorités ne souhaitent pas – officiellement – s’engager dans un « numéro de charme », celles-ci soulignant d’abord la « complémentarité » et la « bonne coopération » de la place luxembourgeoise avec la City.
« Nous n’avons pas agité les mains ou relevé les drapeaux pour dire aux gens de fermer leur bureau à Londres et de venir au Luxembourg. Nous ne l’avons pas dit et nous ne le dirons pas », promet le ministre des Finances, Pierre Gramegna, soucieux de ne pas se brouiller avec « le partenaire le plus important » de la place luxembourgeoise. « Quel que soit le tapis rouge qui sera déroulé par les autres capitales de l’UE, il est difficile d’imaginer que Londres ne restera pas le centre financier majeur en Europe », appuie Robert Scharfe, directeur général de la Bourse de Luxembourg.
Le Financial Times rappelle malgré tout que la société de gestion d’actifs M&G (filiale de l’assureur britannique Prudential), ainsi que les assureurs AIG, FM Global et Hiscox comptent déjà parmi ceux qui ont décidé d’installer des filiales ou des divisions au Luxembourg en réponse au Brexit. Tout comme la banque d’investissement JPMorgan.
Stratégie de la discrétion
Plutôt que d’espérer accueillir des déménagements massifs, le Grand-Duché s’attend plutôt à récupérer des sociétés dans les secteurs des fonds d’investissement, des assurances et des Fintech, dans lesquels « le pays est déjà solide », relève le Financial Times. Le tout sans avoir à faire de la retape bruyante, mais en vantant discrètement ses atouts, comme sa dimension transfrontalière : « Vous ne trouverez pas un centre financier plus international que le nôtre », affirme par exemple Robert Scharfe.
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Dans les milieux financiers, la discrétion est appréciée. Un tel dossier dans le Financial Times peut par exemple s’avérer bien plus efficace que de grandes affiches dans un aéroport. Sur le site du journal britannique, quotidien préféré des financiers européens, les articles consacrés au Grand-Duché sont entourés de publicités pour la place financière luxembourgeoise (Luxembourg for Finance). Ce qui interroge forcément sur la neutralité du contenu.
Carte postale grand-ducale
Pas moins de deux articles (sur les sept du dossier) soulignent d’ailleurs la qualité de vie au Luxembourg façon carte postale, vanté tantôt comme « un havre tranquille où les expats se sentent comme à la maison », tantôt comme « un pays dédié à la nourriture, au vin et à une vie agréable ». Où l’on parle du cuisinier étoilé Mosconi, des châteaux, des casemates de la capitale… et même de la procession dansante d’Echternach.
Le Financial Times n’ose quand même pas faire l’impasse sur l’affaire LuxLeaks. Un long article présente le scandale, les autorités luxembourgeoises y développent longuement leurs invariables arguments de défense. En résumé : « le Luxembourg n’était pas le seul », « c’était pas nous, mais nos fonctionnaires du fisc qui sont très indépendants », « c’était légal », « c’était le passé », « les règles ont changé depuis » et, bien évidemment, le Luxembourg « s’implique à fond » dans la mise en place de ces « nouvelles règles internationales ».
Quelques arguments contradictoires parviennent malgré tout à se glisser dans le récit quelque peu édulcoré du quotidien britannique. Lequel ne pousse pas l’audace jusqu’à dire un mot des Panama Papers.
En définitive, la place financière luxembourgeoise ne pouvait guère rêver d’un plus beau prospectus, sur le fond saumon du Financial Times.
Sylvain Amiotte