À quatre jours de l’ouverture de la foire agricole d’Ettelbruck, le ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen, fait le point sur les dossiers brûlants de son ressort.
Baisse du nombre d’agriculteurs, compétitivité des exploitations dans un cadre global, changement climatique, nouvelle loi agraire, agriculture bio, impact du Brexit sur la PAC ou encore sortie de Trump des accords de la COP21 : le ministre est sur tous les fronts.
Comment se porte l’agriculture luxembourgeoise à l’heure actuelle ? On parle relativement peu du monde agricole et l’on dit que le nombre d’agriculteurs baisse significativement d’année en année. Comment l’expliquer ?
Fernand Etgen : Il s’agit là d’une tendance propre à toute l’Europe et non d’un phénomène typiquement national. À l’heure actuelle, les défis majeurs dans l’agriculture sont relatifs à la compétitivité des entreprises dans le cadre de la mondialisation, combinée à une grande volatilité des prix d’un côté, et à la maîtrise du changement climatique de l’autre. Dans ce cadre, le secteur agricole s’avère être le secteur économique le plus impacté.
Justement, en parlant de lutte contre le changement climatique, comment jugez-vous la décision du président américain de sortir des accords de la COP21 de Paris ?
Je dirais tout simplement que c’est une catastrophe ! J’espère, qu’à terme, la raison l’emportera.
Au niveau national, l’année 2017 a été marquée par une forte sécheresse. Craignez-vous devoir tirer un mauvais bilan des moissons à la fin du mois d’août ?
Nous n’avons presque pas eu de pluie pendant l’hiver et peu de pluie durant le printemps. Or on dit souvent, dans le milieu agricole, que la pluie au printemps, c’est de l’or !. La première coupe des herbes, qui représente 40% de la production annuelle, est diminuée cette année de 30 à 50%. Les phénomènes météorologiques varient très fortement d’année en année, ce qui nous fait dire que les extrêmes deviennent la règle.
Quel rôle peuvent jouer les pouvoirs publics face à cette incertitude dont sont tributaires les exploitants agricoles ?
Plusieurs décisions ont été prises par le gouvernement. Il y a eu, entre autres, l’instauration de l’assurance multirisque, suivant laquelle l’État participe à hauteur de 65% aux primes annuelles, au lieu de 50%, comme c’était le cas précédemment.
Nous avons également cette année étendu le champ d’application des assurances, avec l’introduction d’une assurance pour les surfaces d’herbes contre la sécheresse, qui en est au stade de projet pilote. Celle-ci sera généralisée dès l’an prochain. Je précise que le Luxembourg est le seul pays, avec l’Autriche, à avoir instauré ce type d’assurance. Par ailleurs, les dispositions contenues dans la récente réforme fiscale permettent aux agriculteurs de compenser les « mauvaises » années par les « bonnes ». Je considère qu’il s’agit là de deux réponses politiques qui s’inscrivent dans la lutte contre la double problématique illustrée par la combinaison entre la volatilité des prix et de potentielles conditions météorologiques extrêmes.
Peut-on déjà dire, justement, que cette année 2017 sera mauvaise ?
Il est trop tôt pour affirmer ceci. Là est d’ailleurs le cœur du défi auquel sont confrontés les agriculteurs durant toute la saison. Beaucoup est encore faisable, au cours des trois prochains mois. Les agriculteurs ne doivent en aucun cas se résigner. Ils ont besoin de pluie, sans pour autant que celle-ci prenne la forme de forts orages, car l’érosion des sols et les pertes dans les cultures seront alors à craindre. Des chutes de pluie abondantes peuvent évidemment contrecarrer, dans une certaine mesure, une période de sécheresse.
Y a-t-il des secteurs encore en crise, à l’heure actuelle ?
Depuis l’entrée en vigueur de la PAC (politique agricole commune), en 1962, nous avons connu beaucoup de crises. Si je me focalise sur les dix dernières années, je pourrais citer, par exemple, la crise du secteur porcin entre 2014 et 2015 ou bien celle du secteur laitier entre 2015 et 2016.
Dans les deux cas, les exploitations ont connu des difficultés au niveau de leur trésorerie. Concernant la crise laitière, les prix ont fortement chuté durant quasiment deux années consécutives. Si l’on s’attend, à nouveau, à connaître de telles fluctuations dans le futur, il faut espérer que ces périodes de crises ne seront plus aussi longues.
Comment le gouvernement a-t-il riposté ?
En prenant une mesure prévoyant le versement d’une indemnité de 9,5 millions d’euros pour compenser les pertes liées à la sécheresse dans les surfaces fourragères. L’enveloppe totale à destination du secteur laitier s’élève à 15 millions d’euros, y compris des allègements de charges sociales. Un paquet d’aides financières a également été ficelé au niveau européen. Cela étant, un certain nombre d’entreprises avaient beaucoup investi et n’ont pas encore réussi à rentrer dans leurs frais.
D’où la signature, en mars dernier, de « la convention relative à l’année blanche », avec les banques Raiffeisen, BGL, BIL et BCEE. Cette convention permet aux producteurs de lait et de porc de suspendre le paiement du capital et des intérêts de certains prêts liés à la production agricole pour une période maximale de douze mois. Dans le cadre de ce moratoire, les banques renoncent à exiger le remboursement du capital et des intérêts dus en relation avec des prêts éligibles. D’un autre côté, l’État s’engage à prendre en charge les intérêts courus au cours de ce moratoire pour une somme maximale de 15 000 euros par exploitation concernée. C’est une bonne mesure, puisque plus de 160 agriculteurs en ont profité.
Entretien avec Claude Damiani
A lire en intégralité dans Le Quotidien papier de ce lundi 26 juin