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L’Albanie en quête d’élections apaisées sur son chemin européen


Le Premier ministre albanais, Edi Rama, en campagne le 21 juin à Durnes. (photo AFP)

Les législatives dimanche en Albanie pourraient interrompre une longue tradition de scrutins entachés de fraudes, de violences, de contestations, ce qui marquerait une étape importante sur la route de l’adhésion à l’Union européenne.

Le Parti socialiste (PS) du Premier ministre Edi Rama, 52 ans, et le Parti démocratique (droite) de Lulzim Basha, 43 ans, sont au coude à coude, avec un léger avantage au premier à en croire les sondages.

En 2009, derrière Edi Rama, l’opposition socialiste avait crié à la fraude et fait descendre des mois durant ses partisans dans les rues. Trois avaient été tués par balles en 2011.

Lors de l’alternance de 2013, tout en reconnaissant la défaite, la droite et son emblématique patron Sali Berisha s’étaient engagés dans une stratégie d’obstruction, boycottant les travaux du Parlement, où violence verbale et insultes ont tenu lieu de débat pendant quatre ans.

Jusqu’au mois dernier, le nouveau patron de la droite, Lulzim Basha, admirateur de Donald Trump, menaçait de boycotter le scrutin, suscitant l’inquiétude des chancelleries.

Echange d’amabilités

En apparence, la rhétorique reste vive. « Edi Rama a soutenu une poignée de gens qui ont (…) mis la main sur l’économie, ainsi qu’une poignée de criminels qui se sont emparés du pouvoir et ont fait de l’Albanie un dépôt de drogue », dit Lulzim Basha.

« Je ne réponds jamais à mes opposants dans une langue qui m’est étrangère », rétorque Edi Rama pour l’AFP. « Il est un leader de l’opposition qui n’est pas prêt au défi de gouverner le pays, et c’est tout… ».

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En meeting, il dépeint son adversaire en « pastèque qu’on doit ouvrir pour voir si elle est mûre ou pas ».

Mais au delà de ces escarmouches, cette campagne fut « la première où les deux plus grands partis ont pratiquement déposé les armes », selon le politologue Skender Minxhozi. Dans les rues, « pas de grands banderoles, pas d’affiches, pas de drapeaux », poursuit l’analyste. Et finalement peu d’insultes.

Grande coalition ?

Un autre analyste, Ardian Civici parie même sur « une grande coalition entre le Parti socialiste et le Parti démocratique ». Ce qui leur permettrait d’évincer le mouvement socialiste de l’Intégration du président élu le 28 avril, Ilir Meta, 48 ans, faiseur de roi qui monnaye depuis dix ans son soutien à l’un ou à l’autre.

Au-delà des animosités personnelles, ces partis sont, selon Ardian Civici, d’accord sur l’essentiel: « l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Union européenne ». Selon Edi Rama, « la majorité et l’opposition demanderont, ensemble et après les élections, l’ouverture des négociations avec l’UE ».

La tâche du prochain gouvernement s’annonce titanesque. Si Edi Rama fixe comme objectif une croissance « au-delà de 5% », l’Albanie reste un des pays les plus pauvres d’Europe, avec un salaire mensuel moyen de 340 euros. Le pays se vide de sa jeunesse, chassée par le chômage: pour 2,9 millions d’Albanais au pays, 1,2 vivent à l’étranger, un record mondial.

L’Albanie est candidate depuis 2014, mais l’UE reste une perspective abstraite. Dans son dernier rapport, la Commission a notamment critiqué une institution judiciaire « lente et inefficace » où « la corruption continue de prévaloir » avec « un nombre de condamnations dans les affaires de crime organisé (qui) reste faible ».

Pour Edi Rama, la réforme de la justice en cours amènera de « bons résultats », même s’il faudra « une bonne dizaine d’année pour avoir un système de justice » répondant aux normes européennes.

« Mettre fin à la corruption, même la France n’a pas réussi », mais » la réforme en cours « va (la) diminuer à un niveau acceptable », dit-il. Il faudra aussi convaincre les étrangers de la détermination des autorités à lutter contre le fléau du cannabis.

Le scrutin se déroulera sous la surveillance de 3.000 observateurs dont 300 étrangers.

Le Quotidien / AFP