Une trentaine de milliers d’euros. En cash. Ou la somme remise par des habitants du Pays-Haut, en novembre dernier, à Maurice, pour des voitures supposément saisies par les douanes. Une arnaque, bien entendu…
«J’ai une affaire à te proposer. L’ex-beau-frère de l’épouse de mon ami Jean-Paul vend des véhicules de douanes à des prix sacrifiés. » Novembre dernier. Un habitué de notre agence locale de Jarny nous met en relation avec ce « proche ». Maurice, « appelez-moi Mauricio ». A l’autre bout du fil, le négociant se veut rassurant : « Des Fiat 500 neuves à 3 490 €, cela vous intéresse ? »
La proposition éveille autant de curiosité que de suspicion : « Je sais, ça peut surprendre. Je suis très proche d’un responsable de la douane à Anvers. Avant de procéder à la destruction des marchandises saisies, il me laisse un petit délai pour trouver des acheteurs. Là, le temps est compté, éclaire-t-il, le ton posé. Et un 4X4 Porsche neuf pour 19 000 €, ça vous parle ? »
Une photo de la voiture à Noël…
La méfiance prend définitivement le pas avec cette autre proposition : « J’ai aussi de l’or, des bijoux, des sacs de marque. » Au revoir, Mauricio. Nous prenons nos distances avec le négociant. Qui ne se laisse pas abattre : « N’ayez crainte. Je suis pour ainsi dire de la famille de Jean-Paul. Pensez-vous que je pourrais le voler ? » Oui. Et c’est d’ailleurs ce qui s’est passé.
« Il nous a bien bernés. Quand on y repense, c’était si… » Gros. Grotesque même. Jean-Paul a fait confiance à l’ex-beau-frère de son épouse. Ses amis aussi : Pierre, Serge et Jeannot. Trois jeunes retraités résidant dans le Jarnisy : « Moi, j’ai commandé deux Fiat, se désole Pierre. C’était pour mes enfants. A Noël, je leur avais donné une enveloppe avec, à l’intérieur, une photo de la voiture, en cours de livraison. » Serge a, lui, opté pour une seule petite citadine quand « Jeannot en a pris quatre ainsi qu’une berline ».
Amer, l’acheteur se souvient du doute qui l’escortait durant les trois jours précédant le versement, « obligatoirement en cash. On lui posait des questions auxquelles il ne répondait pas vraiment. Mais je ne sais pas, la perspective de réaliser une super affaire et le phénomène de groupe ont eu raison de nos inquiétudes. »
Un contrat prévoyant le remboursement
L’escroc, la soixantaine rassurante, a largement usé de ses armes de séduction massives : « Il nous a demandé la photocopie de notre carte d’identité pour établir la carte grise. Et nous a fait signer un contrat prévoyant le remboursement de la somme si la livraison n’intervenait pas dans un délai de huit semaines. » Ledit contrat ? Une simple feuille blanche noircie au stylo-bille : « Il disait qu’en droit français, cela avait autant de valeur qu’un acte officiel. »
Nos quatre retraités ont senti le vent tourner à la sixième semaine : « Il disait de ne pas nous inquiéter mais on ne voyait rien venir, s’énerve Jean-Paul. A la neuvième semaine, il a dit que les voitures n’étaient plus disponibles. Et qu’il allait nous rembourser. » Les échanges de SMS se sont étirés jusqu’au printemps. Puis le… 1er avril, « plus rien. Son numéro est devenu injoignable. »
Aujourd’hui, les victimes de cette arnaque se retrouvent sur une voie sans issue : « On a bien tenté de porter plainte au commissariat. Mais… les enquêteurs ne paraissaient pas intéressés par notre affaire. » Compréhensible, tant le rôle de victime paraît difficilement défendable dans cette affaire douteuse. Alors pourquoi ce besoin désormais pressant de témoigner ? « Pour que les gens ne se fassent pas avoir comme nous. »