Orange Luxembourg, Post et Tango, les principaux opérateurs télécoms au Grand-Duché, comptent jouer le jeu en appliquant la décision de l’UE sur la fin des frais d’itinérance dès ce jeudi, tout en tentant de trouver des revenus alternatifs.
Si dans le fond les opérateurs luxembourgeois, tout comme leurs homologues européens, se sont battus pour mettre à mal le projet de l’Union européenne, ils regardent désormais vers l’avenir, notamment pour combler le manque à gagner lié à l’abolition des frais de roaming.
«Pour Tango, nous estimons le manque à gagner autour de 10 millions d’euros», souligne Luis Camara, directeur marketing de Tango. «La perte se chiffre en millions d’euros, mais l’important c’est que cette décision aille dans le sens du consommateur qui aura un meilleur confort d’utilisation», souligne Cliff Konsbruck, directeur de Post Telecom.
Face à ce manque à gagner, les utilisateurs ont très vite exprimé une certaine inquiétude sur les réseaux sociaux, notamment concernant une hausse des tarifs pour combler cette perte. Mais les opérateurs luxembourgeois sont affirmatifs : «Il n’y aura aucune hausse des tarifs.» Thierry Iafrate, responsable de la communication d’Orange Luxembourg, explique pourquoi : «Proposer une augmentation des tarifs, que ce soit sur les appels vers l’étranger ou dans nos offres serait contre-productif et complètement en opposition avec ce que tente de faire l’Union européenne, sans parler de la confiance des clients. L’opérateur qui fera cela perdra des clients.»
Les opérateurs luxembourgeois ont d’ailleurs fait le choix de faciliter au maximum la tâche à leurs abonnés. Les clients de Post et ceux d’Orange Luxembourg n’ont ainsi aucune démarche à faire, l’opérateur se chargeant d’adapter automatiquement les offres et les contrats.
Luis Camara va dans le même sens, même si la stratégie de l’opérateur ayant son siège à Bertrange est quelque peu différente : «Nous avons anticipé la fin du roaming dès le mois d’avril et même dès l’année dernière avec certaines de nos offres. Mais au mois d’avril, nous avons communiqué sur une évolution des prix des abonnements de l’ordre de 2 à 3 euros. Si certains y voient une augmentation des prix, ce n’est pas le cas. En effet, avec l’inclusion du roaming dans les abonnements, au final, le client est largement gagnant. En plus, nous proposons aux clients, quelle que soit leur durée actuelle d’engagement avec Tango, de pouvoir changer d’abonnement pour une offre leur correspondant le mieux, sans pénalité par rapport à leur durée actuelle d’engagement.»
Combler le manque à gagner
D’ailleurs, dans un premier temps, les opérateurs seront largement perdants, puisqu’un gigaoctet (Go) de données lui coûte actuellement 7,70 euros (prix plafonné par l’UE), soit 77 euros pour 10 Go. Pour le consommateur luxembourgeois, un abonnement incluant 10 Go coûte autour de 40 euros. Le prix de «gros» pour les opérateurs baissera au fur et à mesure pour atteindre 2,50 euros par gigaoctet en 2022.
L’autre inquiétude concerne les investissements des opérateurs luxembourgeois dans les infrastructures. Dans le secteur des télécoms, l’infrastructure pour déployer un réseau est assez coûteuse, d’autant plus qu’il faut très vite la renouveler et l’adapter à l’évolution technologique. À titre d’exemple, les opérateurs commencent à peine à terminer leurs investissements dans la 4G que la 5G arrive déjà sur la table. Mais là encore, les opérateurs nationaux sont affirmatifs en précisant que les investissements ne baisseront pas. «Nous ne freinerons pas nos investissements, que ce soit dans notre réseau ou dans le service client. Si nous avons atteint une telle qualité de réseau, ce n’est pas pour abandonner maintenant», justifie Thierry Iafrate.
Alors comment les opérateurs luxembourgeois vont-ils faire pour combler cette perte de revenus ? Pour Post, l’attention va se porter sur le service aux entreprises en proposant de nouveaux produits à destination des professionnels afin de faciliter la gestion de la téléphonie de leurs employés. «Gérer un parc de téléphones dans une grande entreprise prend du temps et n’est pas toujours évident. Nous allons donc proposer de gérer de A à Z cette problématique en plus d’offrir d’autres services, ce qui sera un gain de temps pour les entreprises», souligne Cliff Konsbruck.
Chez Orange Luxembourg, Thierry Iafrate souligne que «des réductions se feront sur le marketing et la communication tout en améliorant le service client. De plus, il y a toujours le roaming hors Union européenne, qu’il ne faut pas négliger.» Du côté de Tango, l’accent sera mis «sur l’efficacité et la création de revenus additionnels en proposant des services supplémentaires, notamment à destination des clients de l’internet fixe. Nous souhaitons nous positionner en tant qu’acteur multiplayer.»
Au final, les opérateurs luxembourgeois semblent vouloir jouer le jeu de la nouvelle réglementation. D’ailleurs, aucun opérateur luxembourgeois n’appliquera la possibilité de surcharge tarifaire que l’Union européenne permet dans certains cas, sauf constatation d’un abus manifeste et intentionné.
Jeremy Zabatta