Ainsi va l’asymétrie de l’information. Aux images, l’émotion. À leur absence, la polie contrition d’un monde gêné.
La semaine dernière, le massacre des étudiants kényans de l’université de Garissa a mis du temps à devenir autre chose qu’une information perdue dans un flux continu. Il aura fallu que les premières images apparaissent pour que le monde médusé prenne la mesure de l’horreur. Autant, depuis trois mois, l’attaque contre Charlie Hebdo, la fusillade à Copenhague ou l’attentat contre le musée du Bardo à Tunis, ont tourmenté des démocraties branchées en direct sur les évènements, autant l’isolement de l’université kényane l’a soustraite à l’attention mondiale.
Et les conséquences de ce massacre mené par les islamistes somaliens des shebab ne sont pas encore quantifiables. Car si le front de l’islamisme extrémiste est éparpillé entre Syrie, Irak, Yémen, Nigéria et Somalie, il mène un jihad ravageur, dont les victimes innocentes servent un même dessein : une propagande par la violence.
L’attitude des démocraties, après le massacre, montre à quel point elles sont finalement divisées. Elles ont marché unies, à Paris, après Charlie Hebdo, elles étaient déjà moins présentes, à Copenhague, puis distantes, à Tunis. Pour se contenter de messages de condoléances adressés à la population kényane. Et des voix de s’élever contre ce déséquilibre entre les victimes d’un ennemi commun.
C’est ce message que l’Occident a envoyé aux familles des Kényans victimes de l’horreur. Et ce n’est pas le plus glorieux de ces dernières semaines. Face aux exactions islamistes, chaque condamnation doit avoir le même poids. Sinon, le discours se trouble et l’ennemi en profite.
Dans la corne de l’Afrique, les shebab ont atteint leur objectif au-delà de leurs espérances. Ils ont illustré que le front qui les combat n’a aucune ligne directrice, qu’il est seulement porté par l’émotion. Et une guerre ne se gagne pas sur des sautes d’humeur. Elle se gagne avec une détermination froide et des idées fortes. Au Kenya, une bataille a été perdue.
Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)