Accueil | Editoriaux | Quand la taule vaut de l’or

Quand la taule vaut de l’or

Le Pen et Macron, même combat ?

On est d’accord, en règle générale, cela reviendrait à comparer des financiers à l’amande à un flan au vomi. Mais il existe au moins une exception. Un point de leur programme qui, durant l’entre-deux-tours, fit que certains se frottèrent d’avance les mains : les prisons. Car que ce soit Marine le Pen, avec ses «40 000 places supplémentaires de prison en 5 ans», ou Emmanuel Macron, avec ses «15 000 places de prison supplémentaires, soit environ un quart de plus qu’aujourd’hui», le vainqueur de la présidentielle allait poursuivre une inflation carcérale… très juteuse !

En France, les prisons ne sont plus un monopole d’État depuis qu’un certain Albin Chalandon, garde des Sceaux, décida en 1988 d’ouvrir le marché carcéral aux sociétés privées. Un haut fonctionnaire qui avait manifestement une basse conception de l’État, puisqu’il avait déjà auparavant facilité la privatisation des autoroutes. Son idée ? La gestion «déléguée» des prisons. En d’autres termes, garder les fonctions régaliennes (surveillance, direction, greffe…) et abandonner les autres à des sociétés qui sauront «rentabiliser» : la restauration, la formation professionnelle, et même la construction des prisons et le travail pénitentiaire… Trente ans plus tard, le président Macron succède à Hollande, qui s’en va avec une énième promesse non tenue, celle qu’il avait faite de stopper la «fuite en avant du tout-carcéral». Avec près de 70 000 détenus pour 59 000 places, la France a battu en avril un triste record, avec un taux d’occupation des prisons de près de 120%.

Pendant ce temps, les sociétés privées sont ravies. Car l’État doit verser 1,4 milliard de loyer d’ici 2040 aux sociétés qui gèrent treize prisons en PPP (partenariat public-privé). Et, bonus, l’État doit verser des pénalités à ces sociétés dès que le taux d’occupation dépasse… 120%. Et l’avenir s’annonce radieux, la durée d’emprisonnement de leurs «locataires» s’allongeant d’année en année.

Autant d’argent que la France perd pour ce qui devrait être prioritaire : la réinsertion, l’aménagement des peines, la prévention. Hélas, manifestement, si le crime ne paie pas, les prisons, si…