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Procès Heaulme : un accusé qui dit tout et son contraire


Me Dominique Boh-Petit, aux côtés de la maman de Cyril, Chantal Beining. (photo AFP)

Un accusé qui dit tout et son contraire, des témoignages fragilisés par les années écoulées : l’audience de mercredi au procès de Francis Heaulme, jugé à Metz pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz en 1986, a souligné combien l’absence de preuves pesait lourd, 30 ans plus tard.

« C’est insupportable Monsieur Heaulme, c’est insupportable pour les familles ! », a lancé, au terme d’une journée marathon, le président de la cour d’assises. Le « routard du crime » venait de contredire ses propres déclarations sur sa présence, ou non, sur le talus SNCF de la rue Vénizélos où les corps de Cyril et Alexandre, 8 ans, ont été retrouvés le 28 septembre 1986. S’il a toujours nié – « Montigny, c’est pas moi », répète-t-il en boucle depuis le début du procès – il varie dans ses déclarations.

Mercredi en fin de journée, il a été confronté à deux témoins assurant que le soir du double meurtre, alors qu’ils rentraient de la pêche à bord de leur Renault 4L, ils l’ont aperçu sur le bord d’une route, le visage taché de sang, à quelques kilomètres du lieu du drame. Comme l’un d’eux le connaissait, les deux hommes ont « ramassé » Heaulme dans leur voiture, pour le ramener chez sa grand-mère. Ces deux témoignages qui vont s’avérer cruciaux dans le dossier : ils placent Heaulme près des faits, le jour des meurtres. A la barre, mercredi, les deux hommes sont sur la défensive. Depuis 16 ans, on leur demande pourquoi ils ont attendu 2001 pour témoigner, après avoir entendu à la radio un reportage consacré à l’affaire. « Vous croyez que c’est facile pour nous ? » s’agace Émile David, qui décide finalement de ne plus répondre aux questions de l’avocate de Heaulme. Son beau-frère donne les mêmes explications : la peur des gendarmes, de désigner quelqu’un dont on ignore s’il est coupable.

Puis le président fait remarquer à Heaulme qu’il avait reconnu être monté dans la voiture des pêcheurs – même si l’accusé dit que c’était un samedi, alors que le meurtre a eu lieu un dimanche. « – Mais ça veut dire que vous étiez bien dans la 4L », tente le président. « – Je les connais pas les pêcheurs, je les connais pas, ils mentent. – Mais vous dites qu’ils vous ont ramassé ? – Oui c’était un samedi. Un samedi, mais pas le 28. – Donc vous les connaissez ? – Non je les connais pas. (…) J’en ai reconnu un mais le deuxième, non. »

Leclaire : « J’ai rien vu, j’étais pas là »

Et de se perdre, à nouveau, dans des déclarations qui se contredisent d’une phrase à l’autre. C’est ensuite au tour d’Henri Leclaire, l’ancien manutentionnaire, qui fut le premier à avouer, en décembre 1986, avant de se rétracter immédiatement, et de bénéficier d’un non-lieu. En 2014, il avait à nouveau été suspecté, sur la base d’un témoignage tardif, celui d’une femme affirmant qu’en 2012 il lui avait fait des déclarations pouvant l’incriminer. Cette piste avait conduit à l’interruption brutale du premier procès Heaulme, en 2014, mais une nouvelle enquête sur Henri Leclaire s’était soldée, en janvier 2017, par un nouveau non-lieu.

Mercredi, à la barre, Henri Leclaire, ex-suspect redevenu simple témoin, fait du Heaulme : « J’ai rien vu, j’étais pas là », répète-t-il en boucle. « Vous mentez, vous étiez là ! », lui lance Me Dominique Boh-Petit, l’avocate de la maman de Cyril. Qui réussit finalement à lui faire admettre du bout des lèvres que peut-être il était là. Puis l’audience s’arrête, sur un témoin muet. « On était enfin en train de faire le procès de Francis Heaulme », regrette à la sortie du tribunal Me Boh-Petit.

La journée avait en effet été consacrée à l’audition de Francis Hans, le gendarme qui en 2001-2002, 15 ans après les faits, avait été chargé d’enquêter à nouveau sur l’affaire. L’ex-gendarme a expliqué comment en février 2002 le « routard du crime » lui avait raconté avec force détails qu’il avait vu les cadavres des enfants, le soir des faits. Dans son récit, Heaulme a évoqué « un trou noir », puis dit avoir vu « un détraqué sexuel descendre le talus, tout rouge », lequel lui aurait confié avoir fait « une connerie ». Et d’expliquer à l’enquêteur que lui et cet homme s’étaient empoignés, qu’il avait ensuite jeté ses gants pleins de sang à cause de l’empoignade, puis décidé d’aller chercher les enfants.

Le Quotidien/AFP

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