Après le «triomphe» d’Emmanuel Macron dimanche, élu brillamment avec… 43,63 % des inscrits pour faire barrage à l’épouvantail Marine Le Pen, il n’est évidemment pas question de tomber benoîtement en pâmoison devant le plus jeune président de l’histoire de France. Mais il n’est pas non plus question de lui jeter la pierre avant même qu’il ne soit investi. Comme il l’a reconnu lui-même dimanche soir à propos de ceux qui ont voté pour lui à contrecœur, sa victoire n’est pas un «blanc-seing». Macron est en effet minoritaire politiquement – comme le sont tous les courants politiques en France. Si cet homme «neuf» fonctionne pendant cinq ans avec le vieux logiciel néolibéral qui a cours depuis trois décennies, il est à craindre que son quinquennat soit un échec.
L’analyse sociologique et géographique des résultats du premier tour démontre que Macron aura été le candidat de la «France qui va bien» : il a fait carton plein à l’Ouest, dans les centres-villes, chez les classes supérieures. S’il se limite à gouverner pour cette partie de la population, qui n’a pas besoin d’aide, le pays sera toujours aussi divisé.
L’intelligence tactique et la science de la communication dont a fait preuve le président élu lors de la campagne lui donnent une chance de passer l’obstacle des législatives. Mais s’il ne veut pas se contenter de tailler dans les dépenses et affaiblir les services publics et s’il veut lancer un plan d’investissements publics financé par l’endettement comme annoncé dans son programme, c’est au niveau européen que cela va se jouer. Il va falloir convaincre Berlin de renoncer à cette politique d’austérité mortifère. Et la sortie de Jean-Claude Juncker, hier, représente du pain bénit pour les opposants à Macron. En déclarant que «les Français dépensent trop», que l’institution d’un ministre des Finances de la zone euro que Macron appelle de ses vœux était improbable, que Paris ne devait pas compter sur la mansuétude des autres États membres, le président de la Commission a lancé un message clair. Elle paraît déjà bien lointaine «l’Europe qui protège» vantée jusqu’à dimanche.
Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)