Depuis février dernier, quatre jeunes mineurs non accompagnés, venus de Côte d’Ivoire, d’Érythrée et d’Afghanistan, logent à Lorentzweiler dans une nouvelle structure du service Perspectives de la Croix-Rouge. Ce lieu permet aux quatre jeunes de prendre la voie de l’intégration et de l’autonomie.
« Félicitations à vous quatre pour votre bon départ dans la commune et au sein des associations. » Les compliments sont signés Gilles Dhamen, le directeur de la Solidarité nationale de la Croix-Rouge luxembourgeoise. Ils sont destinés à l’Érythréen Samuel (19 ans), l’Ivoirien Joël (17 ans), et les deux Afghans Allahdad (17 ans) et Zaki (17 ans).
Depuis le 15 février dernier, les quatre jeunes hommes, initialement hébergés dans un centre d’accueil pour personnes migrantes, vivent à Lorentzweiler dans une toute nouvelle structure du service Perspectives de la Croix-Rouge luxembourgeoise. Ce projet est une nouvelle forme de logement encadré. La prise en charge des jeunes migrants se différenciant de la prise en charge «traditionnelle» à plusieurs niveaux : la langue, où l’intervention d’un interprète est souvent indispensable pour les entretiens plus intenses, le vécu dans leur pays d’origine et durant leur voyage vers le Luxembourg, l’angoisse liée à l’incertitude quant à l’obtention du statut de bénéficiaire et les différences culturelles au quotidien.
Et l’objectif principal de ce projet de Lorentzweiler est l’intégration sociale et culturelle dans la vie de la commune. Dans ce sens, ils ont également signé une convention de collaboration avec l’Uelzechtdall ASBL. Ainsi, ils participent à des activités de la maison des jeunes, du club senior ou sont devenus membres actifs dans les associations locales comme le club de football.
«J’ai commencé une nouvelle vie»
Encadrés par Ingrid Monivas et Masse Sylla, deux éducateurs gradués du service Perspectives de la Croix-Rouge luxembourgeoise, Samuel, Joël, Allahdad et Zaki ont chacun leur chambre, une cuisine commune, un salon commun et deux salles de bains. « Nous sommes là pour les accompagner. Nous sommes leurs points de repère ici et nous avons créé des liens très forts entre nous , indiquent Ingrid Monivas et Masse Sylla. L’un d’entre nous passe au moins une fois par jour. Tout dépend de leurs besoins. Mais ils font la cuisine eux-mêmes, leurs courses, s’organisent pour la vie de la maison. »
Et tous les quatre ont déjà une vie bien remplie. Allahdad, bénéficiaire de la protection internationale (BPI), va au lycée Michel-Lucius à Luxembourg; Zaki, demandeur de protection internationale (DPI), est scolarisé au lycée Josy-Barthel de Mamer; Joël, également DPI, est apprenti chauffagiste; et Samuel, BPI, suit un apprentissage de carrossier.
« Tout se passe très bien , avance Samuel, l’Érythréen. J’aime bien aller travailler, aller à l’école… On s’entend bien tous les quatre. Contrairement à avant, où nous étions trois par chambre, aujourd’hui j’ai ma propre chambre. Je me sens en sécurité et au calme. »
Mais le passé revient parfois hanter le jeune homme, qui est arrivé au Luxembourg en 2014 après un trajet de neuf mois en bus, voiture, bateau et à pied : « J’ai fui mon pays à cause de la dictature et la guerre. J’ai vu des choses horribles. Une partie de ma famille est restée là-bas. Ma sœur est partie aussi, mais elle est portée disparue depuis qu’elle est arrivée, il y a quelques semaines, en Libye. À priori, mon petit frère serait arrivé au Soudan. Mais j’attends encore de ses nouvelles… » Suivi par un psychologue, Samuel se réveille encore souvent la nuit après des cauchemars, mais « arrive à oublier un peu tout ça pendant la journée au travail et à l’école ».
L’Ivoirien Joël a fui Abidjan « à cause d’une histoire personnelle. Je ne veux pas trop en parler. » Il est passé par la France, mais voulait « rejoindre un pays calme » où il pourrait « (s)’épanouir ». Il arrive au Grand-Duché en novembre 2015. Il vit au foyer Lily-Unden, qui a hébergé 158 mineurs non accompagnés en 2016, avant de rejoindre en février dernier la maison de Lorentzweiler. « Ici, on est bien , confie Joël. On nous apprend à nous prendre en charge, à connaître la réalité du pays et de la vie. Je me sens vraiment bien au Luxembourg. Je sens que j’ai commencé une nouvelle vie. »
Guillaume Chassaing