La présentation de la collection de livres sur les dessinateurs de presse, «Les Iconovores», a été l’occasion, jeudi soir à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette, d’une belle rencontre avec Camille Besse, Pakman, Pierre Samson et «Monsieur Willem» comme n’a cessé de l’appeler le directeur des lieux, Serge Basso, tout au long de la soirée.
Pendant une bonne heure et demie, les quatre dessinateurs et l’auteure et directrice de la collection «Les Iconovores», Virginia Ennor, se sont entretenus avec le public présent, principalement venu de la Moselle voisine.
Et si le débat a en grande partie porté sur la religion et tout ce qui en découle – droit au blasphème, intégrisme, manif pour tous, islamophobie… –, les quatre auteurs ont répondu avec sérieux, mais sans jamais perdre leur sens de l’humour, à toutes les questions : comment dessinez-vous? Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier? Comment naît l’inspiration pour un dessin? Avez-vous déjà eu des soucis après la publication d’un dessin? Avez-vous déjà regretté un dessin publié? Avez-vous déjà été censuré? Etc.
Pas, ou peu, de désaccords entre les quatre. D’ailleurs, Pakman regrette « l’absence de dessinateurs de droite qui pourraient se foutre des gens qui font des dessins de gauche » ou « qui feraient des dessins contre les dessinateurs qui font des dessins contre les religieux ou les religions! ». Tous sont évidemment unanimes sur le droit au blasphème et le droit de se moquer de tout. La plupart ont pourtant déjà reçu des menaces, voire des menaces de mort. Mais tous reconnaissent que l’attentat contre Charlie Hebdo a, un peu, changé leur vie et leur manière de travailler. Samson résume : « Avant Charlie, il y avait de l’insouciance; on se disait que ces menaces, ce n’était pas du sérieux. On le prend désormais un peu moins à la rigolade. »
Autre changement récent, celui qui découle de l’utilisation des réseaux sociaux. Déjà, parce que dès qu’il y a « un petit bout de sexe, Facebook censure », regrette Pakman; et puis parce que les réseaux permettent à la fois de faire « voir son dessin à 1,5 million de personnes en une heure », note Besse, mais touchent, par conséquent, un autre lectorat « qui n’est pas celui qui va au kiosque acheter son journal en sachant ce qu’il va trouver dedans » et qui n’a pas toujours «les clés» pour comprendre les dessins, voire qui peut les comprendre « dans le sens inverse » de celui voulu par son auteur, poursuit la seule dessinatrice du lot.
Quoi qu’il en soit, malgré ces évolutions, pas toujours positives, tous assurent continuer d’aimer leur métier, « une manière de faire de la politique, sans avoir à faire de la politique »; une manière aussi « de faire rire », de « donner son avis » ou, comme conclut Willem, d’« emmerder le monde ». D’ailleurs, si le dessinateur regrette quelque chose après un dessin, c’est souvent « de ne pas être allé assez loin !». C’est dit!
Pablo Chimienti