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Déchirés, les populistes allemands de l’AfD en congrès à Cologne


Pour Frauke Petry, "les tensions internes" et les dérapages racistes de certains cadres ont conduit "à une érosion drastique du potentiel électoral" de l'AfD. (photo AFP)

Surmonter une guerre des chefs, adopter une stratégie pour percer aux élections législatives de septembre, le tout entouré de manifestations hostiles: le congrès du week-end des populistes allemands de l’AfD s’annonce mouvementé.

La réunion de samedi et dimanche à Cologne des délégués de l’Alternative pour l’Allemagne va se tenir dans des conditions très particulières: quelque 50.000 contre-manifestants sont attendus ainsi que 4.000 policiers. L’année passée à Stuttgart, des violences attribuées à l’extrême gauche avaient éclaté.

Dans l’hôtel qui accueillera les partisans de l’AfD l’ambiance s’annonce aussi électrique tant la ligne de fracture semble profonde entre d’un côté les « réalistes » craignant toute comparaison avec l’extrême droite, et de l’autre les tenants d’une « opposition fondamentale » au système, habitués aux dérapages verbaux.

Le débat est d’autant plus important que ces hostilités internes ne sont pas étrangères à la baisse de popularité de ce parti libéral sur le plan économique et qui se revendique aussi anti-islam, eurosceptique et porteur des valeurs familiales traditionnelles.

La codirigeante de l’AfD et figure de proue des « réalistes », Frauke Petry, 41 ans, a donné un avant-goût de la bataille à venir en attaquant mercredi ses adversaires dans une vidéo sur Facebook.

« Un parti déchiré »

« L’image de l’AfD n’a pas cessé d’être déterminée par les provocations extrêmes de quelques représentants qui ont pris de court la direction du parti », martèle-t-elle.

La télégénique Mme Petry, enceinte de son cinquième enfant, relève que « les tensions internes » et les dérapages racistes de certains cadres ont conduit « à une érosion drastique du potentiel électoral » de la formation.

Bien que loin d’être majoritaire, elle presse l’AfD d’adopter sa stratégie, un document de 78 pages, qui pose les jalons d’une « Realpolitik » devant conduire le parti au pouvoir dès 2021. Voulant prouver qu’elle n’agit pas par ambition personnelle, Mme Petry a renoncé à être tête de liste aux législatives du 24 septembre.

Reste à savoir comment réagiront les durs du parti, notamment Alexander Gauland, 76 ans, dont le camp dispose d’un large soutien dans l’est de l’Allemagne, le grand bastion électoral de l’AfD.

Jusqu’ici, il a su repousser les assauts de sa camarade, obtenant même le gel de procédures d’exclusion de cadres du parti ayant tenu des propos controversés sur le nazisme.

« On dirait bien que ce qui devait arriver à l’AfD arrivera ce week-end à Cologne: la prochaine grande confrontation, peut-être même une scission », résume le quotidien Süddeutsche Zeitung, « juste avant leur congrès fédéral, les populistes de droite renvoient l’image d’un parti déchiré ».

Pourtant, il y a peu, l’AfD naviguait de succès en succès, parvenant à être représentée dans 11 des 16 assemblées régionales allemandes.

Elle a enregistré en particulier une forte poussée en 2015 et 2016, lorsque la chancelière Angela Merkel a ouvert la porte à plus d’un million de demandeurs d’asile. Des sondages créditaient alors les populistes jusqu’à 15% des voix, donnant des frissons à la classe dirigeante.

Score historique

Mais, entre sa crise interne et la baisse de l’afflux migratoire, la formation a enregistré un repli conséquent depuis janvier (8 à 11% selon les études).

Ce niveau reste historique pour un parti de ce type dans l’Allemagne d’après-guerre, mais l’objectif d’obtenir un résultat à deux chiffres en septembre et de devenir le troisième parti du pays est loin d’être acquis.

Autres mauvaises nouvelles pour l’AfD, l’urgence migratoire passée, la chancelière Angela Merkel, qui vise un quatrième mandat, a vu sa popularité remonter. Et les sociaux-démocrates, conduits par l’ex-président du Parlement européen Martin Schulz, connaissaient aussi une embellie.

Pour le politologue Hajo Funke de l’Université libre de Berlin, les victoires surprises du Brexit et de Donald Trump ont aussi remobilisé l’électorat en faveur de partis traditionnels pro-européens.

« L’AfD serait mortelle pour l’identité allemande contemporaine, ses liens forts en Europe, son statut de nation exportatrice. Et cela va devenir de plus en plus clair (pour les électeurs) à l’approche des élections », s’avance-t-il.

Une raison de plus pour Frauke Petry de réduire l’influence de la frange radicale de l’AfD, qui fait figure d’épouvantail dans un pays encore marqué par son passé nazi.

Le Quotidien / AFP