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Encore un débat sur la langue luxembourgeoise


La Chambre des députés et la langue luxembourgeoise restent étroitement liées. (Photo : Archives LQ)

Décidément, c’est le thème de l’année. La langue luxembourgeoise va encore s’inviter à la Chambre des députés. Une nouvelle pétition contre l’initiation du français dès la crèche a reçu plus de 4 500 signatures.

Le texte de la pétition rejette clairement l’apprentissage de la langue française dans les crèches et dans les classes de maternelle. Du luxembourgeois à la place, voire quand même de l’allemand ou de l’anglais, même si le pétitionnaire estime que les élèves doivent concentrer toute leur énergie sur une seule langue. Tout sauf du français.

Un débat de plus en perspective autour de la langue luxembourgeoise. Une pétition vient de dépasser les 4 500 signatures qui ouvrent le droit à un débat public à la Chambre des députés. Cette fois, l’auteur de la pétition, Jacques Dahm, s’oppose à l’initiation du français pour les enfants fréquentant les crèches du pays comme le prévoit le gouvernement en introduisant le bilinguisme obligatoire. Car à côté du français, il y a le luxembourgeois.

Cette initiation aux deux langues dès le plus jeune âge, alors que l’alphabétisation se fait toujours en allemand, pose un sérieux problème aux pétitionnaires qui redoutent un «désarroi» des élèves au cycle 2.1, qui passeront à l’allemand. En citant des études psycholinguistiques, ils soulignent qu’à «l’âge de 2-3 ans, les enfants commencent à se rendre compte des structures de la syntaxe d’une phrase, du rythme et de la mise en forme d’une langue, ce qui est primordial pour formuler par la suite des phrases principales et les propositions subordonnées, etc. Il leur faut donc du temps pour améliorer, pratiquer et fortifier leurs apprentissages jour après jour.»

L’auteur de la pétition veut alerter sur le fait que «pendant cette période, ils (les enfants) ne maîtrisent ni leur langue maternelle ni la deuxième langue, qui est le luxembourgeois à 100 %, car ils se trouvent en permanence dans une période d’apprentissage». Cela étant dit, Jacques Dahm suggère que l’on remplace le français par l’anglais, soit une «langue romane» contre une «langue germanique».

Personne ne le demande ?

«Pourquoi ne pas promouvoir, parallèlement au luxembourgeois, l’allemand ou l’anglais dans les crèches et au cycle 1?», questionne l’auteur de la pétition. Une deuxième langue qui gênerait moins, selon l’auteur. «L’introduction du français, donc d’une deuxième ou même d’une troisième langue, à cet âge précis, pourrait encore compliquer beaucoup plus la tâche pour les jeunes élèves, qui, à un certain moment, risquent de se perdre totalement dans toutes ces langues.» Sauf s’il s’agit de l’anglais ou de l’allemand, même si selon le texte de la pétition «les élèves doivent concentrer toute leur énergie sur une seule langue».

D’autres études disent le contraire concernant l’apprentissage d’une ou plusieurs langues étrangères dès le plus jeune âge. Ainsi, le bébé «est capable de distinguer les sons de toutes les langues». Et ces études concluent que «plus un jeune enfant entend des langues différentes, plus il garde de compétences linguistiques, tant pour la compréhension que pour la prononciation». Le but de la pétition est avant tout de «renforcer le rôle de la langue luxembourgeoise dans les crèches et au cycle 1 pour permettre aux élèves de pouvoir se baser sur une langue principale pour leurs apprentissages linguistiques futurs au cycle 2».

Pourtant, la mesure que va prendre le gouvernement favorise le développement de la langue luxembourgeoise, puisque les deux langues, française et luxembourgeoise, seront mises sur un pied d’égalité. Aujourd’hui, les crèches qui sont déjà exclusivement francophones devront introduire le luxembourgeois. Ce concept d’éducation plurilingue précoce ne peut que promouvoir le développement linguistique des enfants en luxembourgeois. Et en français.

Inutile le français? 68,2 % des personnes interrogées lors du recensement de la population en 2011 indiquaient qu’elles parlent le français sur leur lieu de travail. Le directeur de la Chambre de commerce, Carlo Thelen, rappelait sur son blog la semaine dernière que parmi les résidents de nationalité luxembourgeoise, le taux d’utilisation de la langue française au travail s’élève à 61,3 % et que 44,9 % des Luxembourgeois ont également indiqué utiliser l’allemand et 25,4 % travaillent, entre autres, en anglais.

Même si le Statec a confirmé récemment que 70,5 % des résidents sur le territoire parlent le luxembourgeois, c’est encore et toujours la langue française qui effraie le plus les Luxembourgeois qui signent pétition sur pétition pour promouvoir la langue nationale, qui n’a pas besoin d’une telle publicité tant elle se porte bien. Mais selon l’auteur de la pétition, la question ne serait pas là. Il s’agit tout simplement «d’éviter l’initiation au français à la crèche et au cycle 1, qui n’est demandée ni par les parents ni par les syndicats».

Geneviève Montaigu