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En France, l’armée commence à se doter de forces spéciales «geeks»


Un membre des forces spéciales françaises le 18 janvier 2013 à Lanester (Bretagne). (Photo : AFP)

Les forces spéciales, aux avant-postes de la lutte antiterroriste, sont à l’affût de nouvelles technologies qui leur permettent de garder une longueur d’avance sur l’adversaire, des drones à l’impression en 3D.

Planté dans le décor du camp de Souge, qui abrite le prestigieux «13e RDP» (régiment de dragons parachutistes), un des fers de lance de ces unités d’élite, le salon SOFINS, inauguré mardi, réunit pendant trois jours grands groupes, PME et start-up à l’écoute de ces besoins.

«Les forces spéciales, il y a 15 ans, c’était faire un raid, une action. Aujourd’hui on nous demande un effort particulier sur le renseignement. Il faut aller dans la population, en ville, dans le désert, être capable de caractériser l’ennemi, d’anticiper quasiment la crise», résume le commandant des opérations spéciales (COS), l’amiral Laurent Isnard. En 4X4, en hélico ou sous un parachute, ses hommes se glissent de nuit derrière les lignes ennemies. Ils scrutent l’adversaire à la jumelle ou sur des images de drones. Et quand il faut neutraliser une cible, libérer un otage, ils vont «au contact», au péril de leur vie.

Pour ces missions de tous les dangers, moteurs et ouvertures de parachute doivent rester aussi silencieux que possible, le matériel emporté aussi léger que possible et l’adversaire repérable de loin. Mais cette supériorité technologique, essentielle à la mission, est de plus en plus «contestée par l’ennemi», qui prend parfois même les devants comme avec les drones en Irak, souligne l’amiral Isnard.

A Mossoul, le groupe État islamique a bricolé des drones armés de grenades et autres charges explosives improvisées qui terrorisent le combattant d’en face et ont fait deux blessés graves parmi les forces spéciales françaises. «Les technologies vont très vite, elles sont partagées. Si on prend un temps de retard, c’est terminé parce que la parade existe chez l’ennemi», met en garde Laurent Isnard, lui-même ancien nageur de combat.

« 400 morts et pas un kamikaze tué »

Pour garder l’ascendant, les forces spéciales – environ 4 000 hommes – ont leurs propres bureaux d’étude et peuvent passer directement commande auprès de fournisseurs, en court-circuitant les délais habituels d’acquisition des armées. «Aujourd’hui nos +process+ légaux d’achat sont trop longs, beaucoup plus longs en tout cas que ceux de Daech (acronyme de l’EI en arabe). Je ne suis pas sûr que Daech fasse beaucoup d’appels d’offres pour s’équiper!» relève Benoît de Saint-Cernin, président du Cercle de l’Arbalète, qui fédère les équipementiers des FS.

Au SOFINS, certaines innovations présentées pourraient faire la différence demain sur le champ de bataille, tel le gilet paraballes de trois millimètres d’épaisseur, semblable à une combinaison de plongée. «Il n’est pas encore adapté pour l’homme – la balle ne traverse pas le bras mais vous aurez quand même le bras cassé – mais on peut réduire l’épaisseur d’un blindage en mettant cette espèce de peau un peu magique et avoir ainsi un véhicule beaucoup moins lourd», et donc plus autonome, note Benoît de Saint-Cernin.

Plus révolutionnaire, la fabrication de tissus humains en 3D, sur laquelle travaille l’entreprise bordelaise Poietis, pourrait «ouvrir la porte à l’éternité» en permettant de reconstituer de la peau sur des soldats blessés. Du côté des drones, l’avenir est aussi tout tracé. Ils doivent apprendre à travailler en «essaims», communiquer entre eux, pour surveiller un aéroport, une centrale nucléaire, un quartier ou un convoi militaire.

Plus prosaïque, la start-up Diodon, créée par deux jeunes ingénieurs, a mis au point un drone à structure gonflable, étanche et facilement repliable, pour les commandos marine. Il faut aussi anticiper la menace adverse, savoir détecter la présence d’explosifs sous des vêtements, apprendre à parer des attentats «télécommandés». «La voiture autonome c’est une arme formidable pour Daech. Demain ils chargeront cinq voitures autonomes, leur donneront rendez-vous place de l’Étoile. Il y aura 400 morts et pas un kamikaze tué!» s’alarme un expert militaire.

Le Quotidien/AFP