La bataille des experts s’achève par une énième douleur pour les parents de Luca, 7 ans, poignardé en pleine rue en 2015, à Jœuf. Un autre rapport psychiatrique considère son meurtrier irresponsable. Un procès s’éloigne.
La perspective la déchire. « Mais qu’est-ce que je vais pouvoir dire à notre second fils ? Comment lui dire… » Comment lui annoncer que l’homme qui a tué son petit frère de 7 ans, le 15 octobre 2015 à Jœuf, ne sera probablement jamais jugé ?
Ce qui était « une crainte » il y a quelques mois a pris un peu plus de consistance encore à travers un rapport d’expertise psychiatrique bouclé en octobre 2016, et seulement remis hier aux parents du petit Luca. Dans sa conclusion, l’expert évoque « une schizophrénie paranoïde évoluant depuis plusieurs années. […] Nous estimons qu’au moment des faits, il présentait un trouble psychique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes, au sens du code pénal. »
Ce nouveau rapport confirme un précédent avis. Dany Crapanzano, 31 ans, est jugé irresponsable. A ces mots, les parents de l’enfant sursautent. « Vous pensez qu’il ne savait pas ce qu’il faisait le 15 octobre ? Il s’y est repris à deux fois avant de s’en prendre à mon enfant », tempête la maman. « Il a voulu rentrer chez lui et puis, il a fait demi-tour. Il a croisé Luca, il lui a soulevé le tee-shirt, et il l’a poignardé… » Le père complète : « Quand il s’est fait désarmer, il est parti. Puis il s’est livré de lui-même à la police, en disant que « les faits sont les faits ». J’ai l’impression qu’il assumait parfaitement. D’ailleurs, le premier psychiatre et un psychologue qui l’ont vu tout de suite en garde à vue ne parlent que d’une altération du discernement. »
« Il ne devait pas être dehors »
Les deux adultes se raccrochent à cela. Que la juge d’instruction nancéienne retienne les premiers avis. Mince espoir. « Les derniers rapports ne valent rien , grince le père. Je considère que c’est du travail bâclé. » Leur peine se déverse à longueur de phrases. Un mélange « d’incompréhension et de colère ». Des mots qui font écho à la procédure initiée contre l’Etat pour faute lourde.
Dany Crapanzano ne sortait pas de nulle part. En 2013, il avait été condamné pour une affaire sérieuse de violences commises avec un marteau dans le Vaucluse. Condamné à quatre ans de prison avec sursis, il n’a alors jamais fait l’objet d’une expertise psychiatrique, ni d’aucun suivi. Cet homme est passé entre les mailles du filet. Or, les psys qui l’ont vu dans le cadre du meurtre de Luca sont formels : en 2013, il souffrait des mêmes maux. « Il n’aurait jamais dû être dehors, jamais », critiquent les parents.
Leurs peurs, aujourd’hui, sont multiples. « Etre privé d’un procès, c’est être privé d’explications et de la confrontation avec cet homme. C’est un manque de respect pour nous, pour Luca, pour son frère », poursuit la maman. « Et comment imaginer cet homme un jour dehors ?, s’inquiète le père. Dans le dernier rapport d’expertise, on évoque des possibilités de réadaptation. Les mots ont un sens quand même et ça me fait halluciner. C’est un tueur d’enfant et on peut craindre qu’il ressorte un jour. Comment accepter ça ? C’est impossible. »
Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)