L’avocate, ancienne vice-présidente du DP, va succéder à Lydie Err au poste de médiateur. Les députés l’ont élue mardi à une large majorité.
Au début des années 2000, un petit bout de femme d’un mètre cinquante-sept, flanquée de deux gros sacs en bandoulière faisait son apparition au palais de justice de Luxembourg. Sa silhouette, fluette, changeait de volume en fonction des dossiers qu’elle trimbalait de l’étude jusqu’aux salles d’audience, jusqu’à cinq ou six kilos dans chaque sacoche.
Son apparente fragilité cachait déjà une farouche détermination, celle qui l’a menée à occuper aujourd’hui cette haute fonction d’Ombudsman du gouvernement, celle qui l’a toujours animée depuis sa naissance, le 6 juin 1971, avec un handicap inné des membres supérieurs.
Claudia Monti a dû, par la force des choses, exceller très tôt en gymnastique physique. Tout, jusqu’à la manière d’enfiler un manteau, de chausser des bottes ou de saisir un sac, lui demande un effort particulier. Elle en a fait ses gestes quotidiens, mais elle ne refuse jamais la main tendue qui lui offre un peu de répit.
La gymnastique intellectuelle s’est ensuite imposée d’elle-même. «Je suis allée en classe comme tout le monde, ce qui, à l’époque, était plutôt rare, et pas dans une école spécialisée. On assimilait beaucoup handicap physique et handicap mental à cette époque et c’était difficile d’aller dans une école normale. J’étais tellement intégrée que je finissais par oublier ma différence.»
Celle qui s’amuse à répéter qu’elle ne pourra «jamais faire un slalom géant sur des skis», s’est jetée à corps perdu dans la gymnastique intellectuelle. Pas question pour elle de choisir le statut de «travailleur handicapé» auquel elle pouvait prétendre. Elle allait suivre des études de droit à Strasbourg et connaître aussi de sérieux problèmes de santé. Elle les a surmontés, elle allait devenir avocate et exercer une profession libérale.
Le terrain avant tout
Dans les salles d’audience, elle se construit une solide réputation de pénaliste, et surtout de commis d’office, présente dans de grosses affaires criminelles. Elle est appréciée pour son sérieux, sa disponibilité et sa faculté à reprendre un dossier à la volée, l’étudier en deux jours et deux nuits pour assister un prévenu, quel que soit son crime ou son délit. De la même promotion que Xavier Bettel, elle rejoint le DP où elle croise de nombreux confrères. Claudia Monti deviendra vice-présidente du parti démocratique en 2013 jusqu’en 2016. Toujours discrète, elle conseille dans l’ombre mais n’entend pas faire une carrière politique.
Elle se sent beaucoup plus à l’aise sur le terrain que dans un siège d’élu. Claudia Monti est avant tout d’un abord très avenant.
Son insatiable curiosité de la société et de ceux qui la composent la pousse à participer à d’innombrables commissions consultatives de la ville de Luxembourg et surtout d’être active sur le terrain des droits de l’homme où son expertise est reconnue. Lydie Err, qui souhaite que cette dimension soit intégrée dans les compétences de l’Ombudsman, devrait apprécier. «Elle sait jongler entre idéalisme, optimisme et réalisme sans perdre le nord», nous décrit sa mère. Ses parents ont toujours été son principal soutien.
En étant élue hier par les députés à la fonction d’Ombudsman du gouvernement, Claudia Monti aura prouvé avant tout qu’il ne faut pas piétiner sur l’autodétermination des personnes handicapées sous prétexte de vouloir les (sur)protéger. «C’est important de laisser la possibilité à la personne concernée d’exploiter pleinement ses aptitudes. Cela renforce la confiance en soi et on est fier quand on réussit à faire quelque chose, même si ça prend plus de temps et qu’on le fait différemment», déclarait-elle dans une interview en sa qualité de présidente du Comité participatif de la prise en compte des besoins spécifiques pour la Ville de Luxembourg.
Elle peut donc être fière de son parcours. Reste à démontrer que les députés ont fait le bon choix. Quoi qu’il en soit, elle imposera un style nouveau.
Geneviève Montaigu