De l’art, oui. Mais de l’art utile, qui fait sens et qui est largement partagé. Voilà les hautes ambitions de la candidature eschoise pour 2022.
La petite équipe qui porte la candidature eschoise pour devenir capitale européenne de la culture en 2022 a expliqué lundi au comité de ProSud les orientations qu’elle souhaitait donner à l’évènement. Elle refuse une vision de l’art pour les élites et souhaite promouvoir, au contraire, une grande opération de démocratisation artistique.
Depuis la mi-octobre 2016, une nouvelle équipe est à la tête de la candidature d’Esch et des communes regroupées autour de ProSud. Andreas Wagner (le coordinateur général) et son équipe travaillent depuis d’arrache-pied pour imaginer et construire la programmation de l’évènement. Invités par le comité de ProSud lundi, ils ont détaillé aux représentants des communes les quatre piliers sur lesquels se construira la grande manifestation en 2022… si elle passe l’examen du jury à l’automne. Car les délais sont très courts : le dossier de candidature sera remis au jury dès le 15 septembre…
Garantir l’inclusion sociale et la cohésion de la société
Créer n’est pas un acte gratuit et l’art est d’autant plus riche qu’il se dote d’une composante politique, au sens premier du terme. Andreas Wagner l’assure : «Les arts doivent permettre la construction de la société et notamment aider à rapprocher les groupes marginalisés. Au Luxembourg, la frontière se trouve d’ailleurs davantage sur le plan économique que sur celui des origines ou des croyances.» Ce même mouvement devra entraîner des initiatives intergénérationnelles. «Évidemment, il s’agit d’un plan à long terme!», sourit le coordinateur général, optimiste malgré l’ampleur de la tâche.
Placer l’art dans l’espace public
«Il faut sortir l’art de son exil! s’exclame Andreas Wagner. Seuls 5 à 10 % de la population seulement se rend dans un musée ou au théâtre au moins une fois dans l’année. C’est vraiment très peu…» Plutôt que d’inciter les habitants à se rendre dans les espaces culturels qui peuvent parfois faire peur à certains, Esch 2022 se propose de prendre le problème à l’envers : «Nous avons la volonté d’inviter l’art dans l’espace public. Grâce au land art, à des projections ou à des installations transmédias, il sera possible de transformer la perception de l’art en une pratique quotidienne.»
Créer un sentiment d’appartenance à la région
Le Sud existe-t-il en tant qu’entité géographique et sociale indépendante? Andreas Wagner, lui, n’y croit pas du tout. «Il n’y a que des structures disparates», qui ne forment donc pas un tout, mais une constellation d’objets plus ou moins sur la même orbite. «Il faut donner une visibilité sociale à la région car elle en manque totalement», ajoute-t-il. Ce troisième pilier ne compte pas jouer la fibre du repli sur soi, au contraire : «Nous voulons tisser des liens entre les lieux et la population (…) Même le patrimoine n’est pas mis en valeur, Belval et les hauts fourneaux, c’est un ovni dans ce paysage!» Le coordinateur général a également expliqué que le projet d’intégrer le Science Center de Differdange autour de la Groussgasmachinn participait de cette volonté.
Développer une vision économique du futur
Et si l’art était un axe de développement économique porteur pour le pays? «C’est un secteur qu’il ne faut pas négliger, prévient Andreas Wagner. Il est important de montrer aux jeunes qu’ils peuvent s’investir dans les secteurs créatifs. L’exemple du hub 1535° de Differdange est très intéressant à cet égard. Cela représente tout de même 400 emplois, ce n’est pas à sous-estimer.» Son rêve serait de convaincre l’université de se lancer à son tour dans le monde de l’art. Hormis des activités en dehors des cursus, l’enseignement de l’art y est aujourd’hui totalement absent. Et si cette candidature pouvait être un catalyseur? «Ce serait une excellente chose…», sourit le coordinateur général.
Erwan Nonet