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Mensonge d’État

Pendant des années, une brochette de fonctionnaires de l’administration des Contributions directes (ACD) se goinfraient en faisant des «ménages», au mépris des lois de l’État qu’ils devaient servir : c’est ce que laissent entendre les agents pris les doigts dans le pot de confiture. Quoi qu’il en soit, lorsqu’il prend la direction de l’ACD en 2006, Guy Heintz passe un coup de balai. Pas sûr qu’il soit passé dans tous les recoins.

Les combines des agents du fisc n’avaient rien d’anodines et portaient sur des sommes parfois conséquentes. Elles restent cependant anecdotiques au regard des milliards d’euros d’impôts soustraits par des multinationales à des dizaines d’États, avec la complicité du fisc luxembourgeois et d’intermédiaires comme PWC. Les grands gagnants au jeu des rulings étaient les actionnaires de ces multinationales.

Quand il est interpellé sur le sujet, le gouvernement entonne invariablement l’air du «tout cela n’était peut-être pas très moral, mais c’était légal» et nous invite à porter nos regards vers un avenir radieux, pavé des bonnes intentions de nouvelles lois.

Le problème est que cette ligne de défense ne tient pas car la pratique des rulings, telle qu’elle était exercée au Luxembourg jusqu’en 2014, était illégale et a participé à une vaste escroquerie fiscale. Le tout sous la responsabilité politique de Jean-Claude Juncker, alors ministre des Finances et chef du gouvernement. Dans un entretien accordé au Quotidien en décembre, l’actuel ministre des Finances, Pierre Gramegna, a usé du doux euphémisme de «concordance des temps», pour dire que promis et juré, tout cela appartient au passé. L’argument peut être entendu. Encore faut-il cesser de répéter ad nauseam que tout était légal quand ça ne l’était pas. Le répéter au point d’en faire un mensonge d’État.

S’il s’agit désormais de tout remiser aux oubliettes de l’histoire, alors fallait-il aussi laisser en paix les lanceurs d’alerte et le journaliste qui ont révélé le scandale LuxLeaks. Car pour eux, demain, devant la Cour d’appel, c’est bien au présent que s’écrira l’histoire.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)