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Douze réfugiées lèvent le voile et témoignent à Esch-sur-Alzette


Réfugiées et résidents ont fait connaissance, mercredi soir, à l'hôtel de ville d'Esch sur-Alzette. (photo Alain Rischard)

Douze réfugiées sont allées à la rencontre d’une centaine de résidents, mercredi soir, pour apprendre à se connaître, à Esch-sur-Alzette.

Elles sont syriennes, irakienne, iraniennes, palestinienne, camerounaise… Elles sont toutes réfugiées et vivent au Luxembourg depuis plusieurs années. Mercredi soir lors de la journée internationale des Droits des femmes, elles ont évoqué leurs histoires, leurs parcours et leurs espoirs avec les résidents.

L’hôtel de ville d’Esch-sur-Alzette affiche complet. « On a dû refuser des personnes par manque de places , note Nicole Jemming, chef du service de l’Égalité des chances de la Métropole du fer. Ce sera une belle soirée d’échanges et de dialogue » entre douze femmes réfugiées, vivant au Luxembourg, et une centaine de résidents. Et tous désireux de faire connaissance les uns avec les autres.

Les participants ont circulé de table en table pour à aller à la rencontre de Jacky (37  ans, Cameroun), Nébal (31  ans, Palestine), Golnaz (39  ans, Iran), Sally (22  ans, Syrie), Alesar (41  ans, Syrie), Ban (41  ans, Syrie), Oriade (28  ans, Nigeria), Nour (28  ans, Syrie), Jenny (43  ans, Irak), Minela (27  ans, Kosovo), Sandrine (39  ans, Rwanda) et Sahr (47  ans, Syrie). Toutes ont raconté leurs histoires, leurs parcours et répondu à toutes les questions des résidents.

Sahr  : «Heureux et en sécurité ici»

Aujourd’hui âgée de 47  ans, Sahr est arrivée au Grand-Duché en 2014 avec toute sa famille (deux enfants) en provenance de Damas. « Mon mari était considéré comme un opposant politique , indique la Syrienne. On a vendu notre maison pour pouvoir partir, pris deux ou trois valises et on a fui. On savait qu’on allait en Europe, mais on ne savait pas où exactement. Le voyage en camion fermé a été difficile. On ne mangeait pas beaucoup… Et finalement, on est arrivés au Luxembourg. »

Ses parents et ses sœurs sont également au Grand-Duché, mais la famille de son mari est restée en Syrie. « Nous sommes en contact avec eux tous les jours , souligne l’interprète français-arabe. Nous sommes en sécurité et heureux au Luxembourg. Les gens sont généreux et ouverts. Mais c’est dur car la situation est toujours dramatique là-bas. »

Minela  : «Il ne faut plus avoir peur de l’inconnu»

En 2003, Minela a 13  ans. Elle fuit son pays, le Kosovo, avec sa mère et son frère « à cause de la guerre ». Deux semaines après leur départ, ils arrivent « un peu par hasard » au Luxembourg. Elle se souvient de ses premiers pas à l’école au Grand-Duché  : « Un jour, j’ai eu deux tests de langue, l’un en français et l’autre en luxembourgeois. Et j’ai mélangé les deux langues. » Aujourd’hui, Minela a 27  ans et parle huit langues  : le «goranais», le serbe, le macédonien, le turc, l’espagnol « appris pendant la guerre en regardant les telenovelas à la télé », l’anglais, le français et le luxembourgeois.

Elle est titulaire d’un bachelor en économie, un master en psychologie et est actuellement en master en communication interculturelle. « Je me sens bien ici car le Luxembourg est multiculturel et multilingue. C’est un pays ouvert. Chacun peut être comme il veut être et parler librement. » Concernant l’image des réfugiés, Minela estime que celle « donnée par la télé est catastrophique. Ce genre de soirée est une bonne chose pour apprendre à se connaître et ainsi ne plus avoir peur de l’inconnu ».

Jenny  : «Montrer qu’on a réussi à s’intégrer»

Menacés en raison de leur chrétienté, Jenny et son mari fuient l’Irak et Bagdad en 1993. Ils restent six mois en Turquie, où elle a accouché, huit mois en Grèce, passent en Italie avant d’arriver en France à Marseille. Elle obtient la nationalité française. Et puis sa vie personnelle évolue et il y a quatre ans, elle s’installe avec son nouveau mari au Luxembourg. Aujourd’hui âgée de 42  ans, la mère de trois enfants est interprète. « Avant en Irak, j’avais un salon de coiffure , raconte-t-elle. Mais j’étais jeune et refaire de la coiffure me rappellerait de mauvais souvenirs. » Mercredi soir, c’était la première fois qu’elle participait à ce genre de soirée avec comme objectif « de montrer aux gens qu’on est bien ici et qu’on a réussi à s’intégrer. Ici, c’est le paradis. »

Sandrine  : «Je me sens luxembourgeoise…»

« Je suis luxembourgeoise d’origine rwandaise », précise d’entrée Sandrine, âgée de 39  ans. « À la fin des années 1990, nous avons fui le génocide avec ma mère et mes frères et sœur », poursuit la femme qui a obtenu la nationalité luxembourgeoise en 2006.

« Nous sommes arrivés au Luxembourg parce que ma mère connaissait des gens ici. Pendant la procédure d’asile, nous étions anesthésiés. Et une fois que nous avons obtenu l’asile, tous les traumatismes sont revenus  : la guerre, le décès de mon père pendant les événements… Il fallait « digérer » tout ça, faire le deuil. Cela prend des années. »

Aujourd’hui, Sandrine est formatrice à l’interculturalité et bénévole au sein d’Amnesty International « parce que les droits humains m’ont toujours attirée ». Elle complète  : « Je me sens luxembourgeoise quand je suis à l’étranger et quand je reviens ici je me sens chez moi, mais pas vraiment luxembourgeoise. »

Elle a donc pris part à cette soirée pour « deux raisons ». « La première est que je n’ai pas l’occasion de parler de mes souvenirs du Rwanda dans ma famille parce que c’est tabou et qu’il y a encore beaucoup de souffrance. La seconde, c’est qu’en tant que femme et noire, c’est important de faire partager mon expérience. »

Guillaume Chassaing

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