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[Lux Film Fest] « MappaMundi » de Bady Minck : sept ans pour arriver sur les écrans


Après Cannes, Berlin, Venise, ou encore Locarno, Bady Minck a eu cette année les honneurs du prestigieux festival de Sundance. (photo Romain Girtgen/CNA)

Bady Minck est une cinéaste sans pareil. Elle le prouve encore une fois avec son nouveau moyen métrage, MappaMundi.

Le Quotidien avait passé une journée sur le tournage de MappaMundi, le dernier film de la réalisatrice grand-ducale, Bady Minck. C’était il y a plus de sept ans ! C’est dire si son nouveau projet a mis du temps à voir le jour. Initialement prévu pour une sortie en 2010, il n’aura été présenté en première mondiale qu’en janvier dernier au festival de Sundance. La projection de mercredi dans le cadre du Lux Film Fest n’étant que la deuxième.

« J’étais très nerveuse, stressée », avoue Bady Minck au sujet de la projection de son MappaMundi à Luxembourg. «Plus que lors de sa première à Sundance, car mes films n’ont pas toujours été bien reçus ici», ajoute-t-elle. Il faut bien dire qu’avec l’Ettelbruckoise on est loin du cinéma commercial, grand public, mais plus dans un cinéma artistique, de festival. La réalisatrice a d’ailleurs déjà été sélectionnée dans des festivals de premier ordre tels que Cannes, Berlin, Venise, Locarno, et désormais Sundance. Qui, au Luxembourg, dit mieux ?

Et tant pis alors si quelques spectateurs mécontents quittent la salle en pleine projection. Car c’est vrai que son film surprend, désarçonne. Aussi bien par son récit que par sa mise en scène ou encore ses choix graphiques. Il a même «été présenté à Sundance, comme le « craziest movie » (film le plus fou) du festival», reconnaît la réalisatrice.

À travers les yeux de «cartographes cosmiques», Bady Minck présente, en 45 minutes, l’histoire de la Terre d’à peu près -700 millions d’années avant notre ère à, à peu près, 250 millions d’années. Une bagatelle !

«On n’a jamais raconté l’histoire de la Terre»

«Il y a plein de films qui racontent l’histoire d’un homme, de l’humanité, d’une guerre, de différentes civilisations, etc., mais on n’a jamais raconté l’histoire de la Terre», explique celle à qui l’on doit Im Anfang war der Blick, Free Radicals ou encore Schein Sein, sur les raisons qui l’ont poussée à se lancer dans cet audacieux projet. Elle poursuit : «Notre planète est notre source de vie, notre domicile et pourtant on ne fait pas assez attention à elle et on la maltraite en permanence.»

Sans être moraliste, le message écologique est on ne peut plus clair. Tout comme l’envie de la cinéaste de remettre l’être humain à sa place. Celle d’un «virus», d’«un parasite» qui a proliféré sur la planète pendant une période finalement assez courte. Alors on aura beau se sentir beaux, forts, puissants, indispensables, qu’est-ce finalement une vie humaine dans une histoire de 950 millions d’années ? Vlan dans l’ego !

Le film mélange pertinemment images réelles («cartographes cosmiques») et animation (l’univers, la Terre…), il mêle différentes langues – quand il n’en invente pas une – et s’aventure même dans la périlleuse mission de prévoir le futur. Mais fait preuve d’une rigueur quasi scientifique dans l’étude de restes archéologiques d’abord, puis de nombreuses cartes géographiques, qui ont donné son titre au film.

«J’aime bien les cartes, oui, mais on ne peut pas dire que c’était une passion chez moi, note Bady Minck, mais c’était un travail nécessaire pour le film et fait avec beaucoup de sérieux. J’en ai donc réuni 1 500, en version numérique, et j’en ai gardé une centaine pour le film.» Des cartes qui illustrent, bien sûr, notre planète – «des portraits de moi», dit d’ailleurs la Terre aux «cartographes cosmiques» –, mais petit paradoxe, proposées du point de vue humain et longtemps très centrées sur l’Europe. Cartes qui, là encore de manière pédagogique, mais non pédante, montrent l’évolution de la connaissance – géographique, mais pas seulement – et des croyances.

Bref, ce MappaMundi est plus qu’un simple film, c’est une véritable expérience filmique. Un vrai travail d’artiste, entre réalité et imaginaire.

Aucune autre séance, ni date d’une possible sortie en salle, n’est prévue pour l’heure. Mais que ceux qui ont raté cette première luxembourgeoise ne désespèrent pas. Après une vie en festival, le film devrait, comme les précédentes réalisations de Bady Minck, arriver un jour en VOD ou pourquoi pas être acheté par des chaînes de télé.

Pablo Chimienti