« Réprimez un peu les journaux, faites-y mettre de bons articles, faites comprendre aux rédacteurs que le temps n’est pas éloigné où, m’apercevant qu’ils ne me sont pas utiles, je les supprimerai avec tous les autres et je n’en conserverai qu’un seul; […] que le temps de la Révolution est fini et qu’il n’y a plus en France qu’un parti; […] que je ne souffrirai jamais que les journaux disent ni fassent rien contre mes intérêts. »
Troublant comme ces propos, adressé en 1804 par Napoléon Bonaparte à son ministre de la Police, sonnent encore d’actualité en France. En particulier dans la bouche d’un candidat à la présidentielle qui abuse de la rhétorique «Ou vous êtes avec moi, ou vous êtes contre moi» avec les médias : François Fillon.
Celui qui se voit déjà empereur n’a jamais caché son admiration pour Napoléon. Et, ces derniers jours, on commence à se demander s’il ne partage pas aussi une conception toute napoléonienne de la Légion d’honneur.
D’après Le Canard enchaîné du 8 mars, Fillon a obtenu en 2013 un prêt non déclaré de la part de Marc Ladreit de Lacharrière. Si on laisse de côté l’oubli fiscal, il reste une autre coïncidence troublante. En 2010, ce milliardaire (32e fortune de France), qui est un soutien déclaré à François Fillon, et qui est le propriétaire de la Revue des deux mondes (qui a grassement rémunéré Penelope Fillon), a été élevé à la dignité de grand-croix dans l’ordre national de la Légion d’honneur, remis par – devinez qui – François Fillon.
En 1802, lorsqu’il fonde l’ordre national de la Légion d’honneur, Bonaparte déclarait ceci : «Je vous défie de me montrer une république, ancienne ou moderne, qui savait se faire sans distinctions. Vous les appelez les hochets, eh bien c’est avec des hochets que l’on mène les hommes.»
La justice devra déterminer si Napoléon a trouvé un digne héritier, bref, un meneur d’hommes prêt à épingler des légions d’honneur comme on distribue des sucettes à des enfants sages… Même si ces sucettes ont trop souvent un parfum de scandale.
Romain Van Dyck