Au moins 77 personnes ont été tuées vendredi à Sanaa dans un triple attentat suicide contre deux mosquées fréquentées par des Houthis, la milice chiite qui s’est emparée du pouvoir dans la capitale yéménite.
Des soldats yéménites à Sanaa, le 19 mars 2015. (Photo : AFP)
Il s’agit de l’un des attentats les plus sanglants à frapper la capitale du Yémen, pays déstabilisé par une grave crise interminable attisée par les Houthis et les jihadistes sunnites d’Al-Qaïda, deux groupes hostiles au pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi. Si ces nouveaux attentats à Sanaa n’ont pas été revendiqués dans l’immédiat, la technique de l’attaque suicide rappelle le mode opératoire du réseau Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), ennemi juré des Houthis et implanté dans le sud et le sud-est du pays.
En fin de matinée, une première bombe a explosé à la mosquée Badr, dans le sud de Sanaa, suivie d’une autre à l’entrée de ce même lieu de culte au moment où les fidèles prenaient la fuite, selon des témoins. Le troisième attentat a visé une mosquée du nord de la capitale. Les Houthis prient dans ces mosquées. La télévision Al-Massira, contrôlée par les Houthis, a affirmé que les hôpitaux de la capitale réclamaient en urgence des dons de sang. Sur les lieux, des corps déchiquetés et ensanglantés étaient transportés sur des brancards. Des traces de sangs étaient visibles sur le sol jonché de débris.
Les attaques sont les plus sanglantes depuis la prise du pouvoir de Sanaa par les Houthis début février. Le dernier attentat particulièrement sanglant dans la capitale remonte au 7 janvier (40 morts) et avait visé l’académie de police de Sanaa. Depuis l’insurrection populaire de 2011, dans le sillage du Printemps arabe, qui a poussé au départ le président Ali Abdallah Saleh, le pouvoir central a été marginalisé par les Houthis et Aqpa qui ont accru leur influence, tout en se livrant une guerre sans merci.
> Un putsch
Preuve de l’affaiblissement du pouvoir, M. Hadi, le président internationalement reconnu, a dû s’installer à Aden, principale ville du sud, après avoir fui en février Sanaa où il était assigné à résidence par la milice chiite. Mais même là, il ne semblait guère en sécurité puisque son palais présidentiel a été visé jeudi par un raid aérien, selon une source de sécurité. M. Hadi a été évacué vers un « lieu sûr », mais il n’a pas quitté le pays », a déclaré une source de la présidence.
Des affrontements avaient éclaté avant ce raid à Aden entre les unités d’un général rebelle, Abdel Hafez al-Sakkaf, et des membres des « comités populaires » (supplétifs de l’armée) fidèles à M. Hadi, faisant 11 morts, selon des sources de sécurité. Les troupes fidèles au président ont réussi à reprendre le contrôle d’Aden. Dans un communiqué, le président a fait état de « l’échec d’une tentative d’un putsch » et appelé les forces armées à « refuser toutes les directives de Sanaa ».
Le général Hafez, dont les liens sont avérés avec les Houthis et l’ex-président Saleh, a fui Aden après les combats pour se rendre à Sanaa mais son convoi est tombé dans la nuit dans une embuscade, selon un responsable militaire.
> Attaque contre un général rebelle
« Il a échappé à une tentative d’assassinat mais son garde du corps a été mortellement touché par les balles alors que trois autres sont morts lorsque leur véhicule s’est retourné », a-t-il ajouté, sans préciser où se trouvait actuellement le général rebelle. Le général Sakkaf, qui refuse un ordre de limogeage de M. Hadi, est à la tête d’une unité des forces spéciales comptant 1.000 à 2.000 hommes, lourdement armés. La situation était calme vendredi à Aden où les forces loyales au président Hadi ont renforcé leur contrôle, en multipliant les barrages routiers, selon des correspondants de l’AFP.
Le mouvement Ansaruallah, autre nom pour les Houthis, qui est soupçonné d’avoir le soutien de l’Iran, a déferlé en septembre 2014 à Sanaa puis étendu son influence vers l’ouest et le centre du Yémen. S’il a rencontré peu de résistance de la part des forces gouvernementales, il en est tout autre avec Aqpa qui a revendiqué depuis septembre de nombreux attentats contre les Houthis. Aqpa est considéré comme la branche la plus dangereuse d’Al-Qaïda. Les espoirs suscités par l’ouverture d’un dialogue destiné à sortir le Yémen de la crise, parrainé par l’ONU, sont quasiment morts et les observateurs évoquent un sérieux risque de guerre civile.
AFP