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France : l’enquête sur Denis Baupin classée sans suite pour prescription


La justice s'était saisie le 10 mai 2016 d'une enquête pour "agression, harcèlement sexuels et appels téléphoniques malveillants" au lendemain des accusations lancées par huit femmes. (photo AFP)

Des accusations « corroborées » mais des faits « prescrits »: la justice a classé sans suite l’enquête sur le député écologiste Denis Baupin, au cœur d’un scandale d’agressions et de harcèlement sexuels présumés.

Près d’un an après les révélations de Mediapart et France Inter, le parquet de Paris a considéré lundi que si certains faits étaient « susceptibles d’être qualifiés pénalement (…) ils sont cependant prescrits ».

La justice s’était saisie le 10 mai 2016 d’une enquête pour « agression, harcèlement sexuels et appels téléphoniques malveillants » au lendemain des accusations lancées par huit femmes, quatre anonymes et quatre élues écologistes à visage découvert, dont Sandrine Rousseau, secrétaire nationale adjointe d’Europe Écologie-Les Verts (EELV).

M. Baupin (ex-EELV) a accueilli avec « satisfaction » cette décision, tout en disant regretter « que la prescription s’appliquant à certaines des accusations constitue une entrave au rétablissement de la vérité alors même que son nom et son honneur ont été bafoués », a déclaré son avocat Me Emmanuel Pierrat dans un communiqué.

Mme Rousseau a fait part elle aussi de sa « satisfaction », mais uniquement parce que « le parquet reconnaît qu’il y a des faits pénalement qualifiés ». « J’aurais préféré que Denis Baupin soit poursuivi », a-t-elle ajouté.

Agressions sexuelles, SMS insistants, gestes déplacés, à l’époque le récit de ces huit premières femmes avait libéré la parole: au total, quatorze s’étaient confiées dans les médias.

Trois des quatre élues, Isabelle Attard, Elen Debost et Mme Rousseau, avaient déposé plainte. Suivies par Véronique Haché, actuelle directrice d’Autolib, pour une agression sexuelle en 2004, à l’époque où elle travaillait au cabinet du maire de Paris Bertrand Delanoë (PS).

Mme Rousseau avait elle aussi dénoncé une agression sexuelle, en octobre 2011, dans un couloir, en marge d’une réunion publique. Mme Debost évoquait « plusieurs mois de SMS d’incitation sexuelle ».

Dans la plupart des cas, ces faits portaient sur une période allant de 1990 à fin 2013, couverte par la prescription qui était de trois ans pour ce type de délit et qui vient d’être doublée dans la loi du 16 février.

« Jeux de séduction »

Un seul cas semblait échapper à la prescription, celui de Mme Attard, députée du Calvados, qui affirmait avoir reçu des dizaines de SMS de M. Baupin de juin 2012 à fin 2013. Un « harcèlement quasi quotidien de SMS provocateurs, salaces », selon elle.

M. Baupin s’était défendu d’être le « DSK des Verts » dans une interview à L’Obs le 2 juin dernier, niant « avoir jamais commis ni de harcèlement sexuel ni d’agression sexuelle ».

En parlant des SMS, il faisait valoir des « jeux de séduction » entre adultes, tout en reconnaissant « que des comportements peuvent inutilement blesser ». Il avait fait diffuser dans la presse certains SMS échangés avec certaines accusatrices, censés le dédouaner, avant de les remettre aux enquêteurs.

Dans ce parole contre parole, une confrontation a eu lieu en décembre entre M. Baupin et Mme Attard. Cette dernière n’était plus en possession des messages litigieux, mais l’un de ses collaborateurs, Frédéric Toutain, avait remis aux enquêteurs des SMS que l’élue lui envoyait. Ils montraient qu' »elle ne savait plus comment faire comprendre à Denis Baupin qu’elle n’était pas intéressée », avait-il raconté à l’AFP.

Ces derniers mois, les policiers de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) de la PJ ont entendu une dizaine de victimes présumées, celles qui avaient parlé dans la presse et d’autres apparues dans l’enquête, mais aussi des dizaines de témoins, dont Cécile Duflot, selon une source proche de l’enquête.

Ces accusations avaient relancé le débat sur les relations hommes-femmes dans le huis clos très masculin du milieu politique français. Elles avaient aussi posé la question de la loi du silence au sein de son parti.

Le parquet a notamment expliqué « la tardiveté » des dénonciations par « le désarroi » dans lequel certaines femmes s’étaient trouvées « face au comportement d’un cadre du parti politique auxquelles elles appartenaient ».

Après ces accusations, M. Baupin avait démissionné de son poste de vice-président à l’Assemblée nationale, tout en conservant son siège de député. Il ne briguera pas de nouveau mandat aux législatives de juin.

Le Quotidien / AFP