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« Pratiques nazies » : Merkel appelle le président turc à « garder la tête froide »


Dimanche, le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé l'Allemagne d'user de "pratiques nazies". (photo archives AFP)

Berlin a réagi avec colère lundi aux accusations de « pratiques nazies » du président turc, au moment où les deux pays multiplient les passes d’armes après l’interdiction de meetings électoraux pro-Erdogan en Allemagne.

Cette flambée de tensions politiques vient détériorer des relations déjà difficiles: la Turquie a très mal pris les critiques allemandes des derniers mois sur le respect de la liberté d’expression et des droits de l’opposition après les purges déclenchées à la suite du putsch raté de juillet.

« A l’adresse de notre partenaire turc, soyons critiques là où c’est nécessaire mais ne perdons pas de vue la signification de notre partenariat (…) gardons la tête froide », a lancé devant la presse Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière Angela Merkel.

Il a également qualifié « d’absurdes et déplacées » les accusations de dimanche du président Recep Tayyip Erdogan, qui avait qualifié de « pratiques nazies » les interdictions de meetings électoraux en faveur du « oui » au référendum sur l’extension de ses pouvoirs.

Craintes allemandes

L’homme fort de la Turquie s’est aussi dit prêt à faire campagne en Allemagne, assurant que si les autorités l’en empêchaient, il mettrait « le monde sens dessus dessous ».

Cette déclaration a de quoi inquiéter Berlin qui abrite la plus grande diaspora turque au monde, avec quelque trois millions de personnes qui conservent souvent un lien fort avec leur pays d’origine.

Le gouvernement Merkel a déjà appelé ces derniers mois cette communauté à ne pas importer les conflits qui agitent la Turquie, entre partisans et détracteurs de M. Erdogan d’une part, et Turcs et Kurdes d’autre part.

Pour les forces politiques turques, cette diaspora s’avère particulièrement importante car elle représente un réservoir de voix non-négligeable. D’autant que les 1,4 million d’électeurs turcs vivant en Allemagne sont plutôt pro-Erdogan.

« Le résultat du référendum demeure incertain et le gouvernement tente de saisir toute opportunité pour obtenir un avantage politique », relève Sinan Ülgen, président du Center for Economics and Foreign Policy (Edam) basé à Istanbul.

Selon lui, l’essentiel de la classe politique, opposition comprise, est d’ailleurs critique des récentes interdictions de manifestations politiques en Allemagne.

Plusieurs mairies allemandes ont en effet annulé des meetings électoraux auxquels des ministres turcs devaient participer, invoquant notamment des difficultés logistiques et le fait de ne pas avoir été informées de la venue de ces responsables.

Le gouvernement allemand a, lui, souligné être étranger à ces décisions relevant de la compétence des seules municipalités. Mais pour Ankara, Berlin mène campagne contre M. Erdogan.

« Il s’agit d’une pression systématique (…) nous prendrons les mesures nécessaires, nous n’avons peur de personne », a proclamé le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu, selon l’agence Anadolu.

Escalade des tensions

Ce dossier est loin d’être la seule source de tensions entre Ankara et Berlin, l’Allemagne ayant notamment dénoncé avec virulence l’incarcération la semaine dernière du correspondant germano-turc du quotidien Die Welt, Deniz Yücel, accusé de « propagande terroriste ».

Ankara reproche de son côté à l’Allemagne d’héberger des « terroristes », qu’il s’agisse de sympathisants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), classé organisation « terroriste » par Ankara, Bruxelles et Washington, ou des putschistes présumés.

Berlin a enregistré ces derniers mois des milliers de demandes d’asile de ressortissants turcs, notamment de dizaines de diplomates et militaires.

La Turquie a aussi très mal vécu l’année dernière le vote par les députés allemands d’une résolution sur le « génocide arménien », et la diffusion à la télévision d’un poème satirique à caractère sexuel sur le président turc.

Avant la sortie tonitruante de M. Erdogan, ces deux partenaires historiques au sein de l’Otan semblaient pourtant avoir fait un pas vers l’apaisement après un entretien téléphonique samedi entre Angela Merkel et le Premier ministre turc Binali Yildirim.

Une rencontre entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays doit également avoir lieu mercredi, au lendemain de la participation de M. Cavusoglu à Hambourg à un meeting de la campagne pour le « oui » au référendum du 16 avril.

La Turquie reste un partenaire incontournable aux yeux de l’Allemagne, le rôle d’Ankara étant crucial, selon elle, pour ralentir l’afflux de demandeurs d’asile en Europe.

Le Quotidien /AFP