Le thriller transgressif « Elle » du Néerlandais Paul Verhoeven et son actrice Isabelle Huppert ont été sacrés vendredi soir aux César lors d’une soirée qui a aussi fait une large place au film sur les banlieues « Divines ».
La cérémonie qui s’est déroulée Salle Pleyel, a également pris une tournure politique avec un appel à la défense de la liberté dans l’Amérique de Trump de la star George Clooney, et un autre à voter à gauche du réalisateur britannique Ken Loach.
Grand favori avec onze nominations, « Elle » a remporté le César du meilleur film. Très bien accueillie au dernier Festival de Cannes, cette histoire d’une femme violée qui se met à traquer son agresseur avait déjà obtenu le Golden Globe du meilleur film étranger. Lire notre critique du film ici.
« Isabelle Huppert, tu as ajouté un niveau supérieur à ce film, et c’est quelque chose que je n’avais pas à l’esprit quand j’ai commencé. C’est quelque chose qui s’est passé avec toi », a déclaré Paul Verhoeven en recevant son prix. Déjà récompensée par un Golden Globe de la meilleure actrice dans ce rôle et en lice pour les Oscars décernés dimanche, Isabelle Huppert a remporté le César de la meilleure actrice.
« Je remercie Paul Verhoeven, qui a mis en scène ce film si intelligemment, si audacieusement, si malicieusement », a dit l’actrice rousse, vêtue d’une robe verte. Treize fois nommée dans cette catégorie, Isabelle Huppert n’avait été récompensée qu’une seule fois, pour « La Cérémonie » en 1996.
Le cinéaste canadien Xavier Dolan (27 ans) a quant à lui reçu le prix du meilleur réalisateur pour le huis clos familial « Juste la fin du monde », récompensé par trois prix. Son acteur principal, Gaspard Ulliel, a raflé le César du meilleur acteur pour son rôle de fils qui retrouve sa famille pour lui annoncer sa mort prochaine.
Nommé sept fois, « Divines », film explosif de la jeune réalisatrice Houda Benyamina, sur l’épopée de deux gamines de banlieue, a également été mis à l’honneur avec trois récompenses, dont le César du meilleur premier film. Son actrice principale Oulaya Amamra, soeur de la réalisatrice, a obtenu celui du meilleur espoir féminin et Déborah Lukumuena celui du meilleur second rôle.
« Défendre la liberté »
Moment politique, l’acteur américain George Clooney, venu aux côtés de sa femme Amal, enceinte, pour recevoir un César d’honneur, a fait de nombreuses allusions à la présidence de Donald Trump, soulignant que « le monde traverse des changements importants, pas tous dans le bon sens ». « Nous nous décrivons comme les défenseurs de la liberté … mais nous ne pouvons pas défendre la liberté à l’étranger si nous l’oublions chez nous », a-t-il lancé.
Le réalisateur britannique Ken Loach, récompensé par le César du meilleur film étranger pour « Moi, Daniel Blake », Palme d’or à Cannes, a pour sa part appelé les Français à voter à gauche, dans un message lu sur scène en son absence.
« L’extrême droite réussit lorsque les gens se sentent désespérés », a-t-il dit. « A présent c’est à vous Français de faire un choix. Nous, qui sommes vos amis depuis tant d’années, espérons que dans l’élection à venir vous pourrez rejeter l’amertume de la droite et voter en faveur de l’espoir suscité par la gauche ».
Les César, qui ont souvent mis à l’honneur ces dernières années des films engagés, ont aussi sacré le documentaire « Merci Patron! » de François Ruffin, qui égratigne avec dérision le géant du luxe LVMH et son PDG Bernard Arnault. Son réalisateur, cofondateur du mouvement « Nuit Debout », en a profité pour alerter sur les délocalisations, évoquant le sort d’une usine de sèche-linge Whirlpool à Amiens promise à la fermeture.
La cérémonie a également rendu un hommage chaleureux à l’acteur français Jean-Paul Belmondo, présent pour la première fois à la grand-messe du cinéma français en dépit d’une carrière éclatante.
« Ma vie de courgette » du Suisse Claude Barras, conte délicat sur la tolérance qui a rencontré le succès auprès du public, a obtenu deux César, dont celui du meilleur film d’animation.
« Frantz » de François Ozon, nommé onze fois comme « Elle », n’a remporté qu’une seule récompense, celle de la meilleure photo.
« La Cérémonie des César démontre chaque année la richesse et la force du cinéma français, son exceptionnelle diversité de tons, de sensibilités, de genres et sa faculté à offrir d’autres regards », s’est réjouie la ministre de la Culture Audrey Azoulay, dans un communiqué.
Le Quotidien / AFP