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Au premier festival Comic-Con d’Arabie saoudite, « on est libre »


Le premier festival Comic-Con en Arabie Saoudite à Jeddah, le 16 février 2017. (Photo : AFP)

Personne ne s’est retourné au passage d’Ahmed al-Dainiy qui, avec un groupe de jeunes, portait un masque représentant une tête de cheval à l’ouverture du premier festival Comic-Con en Arabie saoudite.

«On est libre ici, on est soi-même», affirme Ahmed 18 ans, un des milliers de visiteurs à avoir envahi jeudi un centre de divertissements dans la ville de Jeddah, sur la mer Rouge, à l’occasion de l’évènement, une première dans ce royaume ultra-conservateur.

Sa tête de cheval est un personnage sur la chaîne qu’il anime sur YouTube, l’une des plateformes d’internet les plus populaires auprès des Saoudiens, qui y passent une bonne partie du temps pour échapper aux rigidités de leur société, où l’alcool, les cinémas publics et le théâtre -entre autres- sont interdits. La tenue de ce festival de pop-art, jeux vidéo et séries TV s’inscrit dans la volonté du gouvernement de proposer un plus grand choix de divertissements pour les jeunes dans un pays où la moitié de la population a moins de 25 ans, malgré la résistance de milieux religieux conservateurs.

Le mois dernier, la plus haute autorité religieuse du pays s’était ainsi insurgée contre la possible ouverture de cinémas et la tenue de concerts, affirmant qu’ils seront sources de «dépravation». Dans ce pays régi par une vision rigoriste de l’islam, la ségrégation des sexes est de mise. Les restaurants ont ainsi des zones séparées pour hommes «célibataires» et pour les familles, même dans une ville comme Jeddah, considérée comme plus libérale que la capitale Ryad.

Réactions enthousiastes

Mais si le Comic-Con saoudien a des entrées séparées pour femmes et hommes, les deux sexes étaient côté à côte jeudi à l’intérieur de la salle obscure, pleine à craquer, sur fond de musique rock. Dans la foule, certains jeunes hommes portaient les costumes de leurs personnages favoris de mangas japonais mais la plupart étaient habillés à l’occidentale et la traditionnelle robe blanche portée en Arabie saoudite était peu visible.

Iron Man, Captain America et d’autres super-héros de l’univers de Marvel circulaient dans les travées. «Levez la main si vous êtes mauvais», lançait l’un de ces Avengers au public, provoquant des réactions enthousiastes. L’Autorité saoudienne du divertissement, qui soutient l’évènement, table sur la venue de 25.000 visiteurs sur trois jours, soit plus que les spectacles qu’elle a organisés l’an dernier, suivis par un public limité.

Le souhait des autorités saoudiennes de développer l’offre de loisirs dans le royaume est un objectif du plan «Vision 2030», un ambitieux programme de réformes économiques et sociales. «L’Arabie saoudite est en train de s’ouvrir», dit dans un sourire Mwadah Abdul Aziz, une jeune femme de 23 ans qui tient un stand de marchandises avec des dessins de style japonais. Le phénomène Comic-Con a commencé en 1970 aux Etats-Unis comme une simple convention où quelques dizaines de «geeks» s’échangeaient des publications des comics (BD de super-héros).

Aujourd’hui, ils sont plus de 100 000 à déferler chaque mois de juillet sur la ville de San Diego, souvent costumés, où ils peuvent voir des bande-annonces de films des plus grands studios. Depuis 47 ans, les salons de ce type ont essaimé à travers le monde, notamment à Dubaï, aux Emirats arabes unis, pays voisin de l’Arabie saoudite.

Le Quotidien/AFP