C’est dans une Maison du savoir fouettée par le vent et la pluie qu’a eu lieu, vendredi après-midi, la cérémonie d’au revoir à Rolf Tarrach, recteur de l’université du Luxembourg depuis 2005.
Rolf Tarrach (à g.) a été salué par Germain Dondelinger et Erna Hennicot-Schoepges. (Photo : Alain Rischard)
Espagnol d’origine allemande, professeur de physique, Rolf Tarrach aura été, pendant à peu près dix ans, le capitaine de la jeune université et son plus fervent défenseur jusqu’à aujourd’hui.
Dans une vidéo introductive, Erna Hennicot-Schoepges salue « l’enthousiasme communicatif » de Tarrach. La veuve d’Edmond Israel livre un secret en disant que pour son défunt mari il était le fils que celui-ci n’a jamais eu. D’autres mettent en avant son goût pour les « cravates exotiques ». François Biltgen, ancien ministre de l’Enseignement supérieur, rapporte l’anecdote cocasse selon laquelle Tarrach se serait montré inquiet au sujet d’une éventuelle grève des étudiants qui aurait pu le laisser bloqué dans son bureau en haut de la tour centrale à Belval.
Or cette crainte s’est avérée infondée, car Rolf Tarrach n’aura jamais de bureau à Belval. En cause, les retards qu’aura pris le déménagement de l’université vers l’ancien site sidérurgique et le contrat de Tarrach qui se termine cette année. Fait amer, sinon honteux pour un homme à propos duquel tout le monde est d’accord pour dire que, sans son engagement et sa perspicacité, l’université du Luxembourg n’aurait jamais réussi à obtenir en si peu de temps la « crédibilité » dont elle jouit depuis (même si le nouveau budget prête à l’inquiétude).
> Le monde politique et académique rassemblé
Mais il y a aussi ceux et celles qui décrivent un homme autoritaire voire manipulateur qui semble en avoir froissé plus d’un à son arrivée par son style et son franc-parler.
En tout cas, cet après-midi lui était entièrement dédié, avec plus de 500 invités du monde politique et académique qui s’étaient déplacés sur ce campus étrange et encore hostile.
Succédant au Franco-Canadien François Tavenas, mort à 61 ans, peu après avoir été nommé recteur de l’université du Luxembourg, Marc Jaeger, président du conseil d’administration, décrit sobrement l’arrivée de Tarrach comme un « deus ex machina », dénouant de manière impromptue une situation désespérée.
L’allocution un peu fade de Marc Hansen a amusé lorsque l’ancien journaliste a révélé qu’une interview de Rold Tarrach, à propos de laquelle il lui fallait réagir, lui avait procuré sa première nuit blanche en tant que nouveau secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche.
Germain Dondelinger, premier conseiller du gouvernement et grand anglophile, a tenu à prononcer son discours entièrement dans la langue de Shakespeare, dans un anglais très British, veillant bien à avoir la voix « craquée » du prince de Galles en fin de phrase. Au risque de paraître plus anglais qu’un Anglais et de faire oublier son discours, qui tenait en une comparaison entre Rolf Tarrach et Prospero, le héros de La Tempête de Shakespeare. Comme Prospero, duc de Milan d’abord déchu et exilé sur une île déserte, Tarrach retournerait à présent dans son royaume après avoir pardonné à ceux qui l’ont importuné.
Ajoutant à la confusion, Germain Dondelinger s’est ensuite vu remettre des mains d’Erna Hennicot-Schoepges la médaille de l’université 2014.
Étrange cérémonie, donc, que cette fête d’au revoir, animée par Thorunn Eggilsdottir, pleine de sous-entendus et d’insinuations au sujet des dix ans que Rolf Tarrach a passés au poste de recteur de la première université d’un pays qui était le dernier, en Europe, à ne pas en avoir.
Les mélodies tantôt larmoyantes tantôt enragées de l’ensemble Michel Clees, présenté comme un ami proche de Rolf Tarrach, avaient probablement vocation à produire sur le public l’effet d’un chœur antique, en exprimant ce que les acteurs préféraient taire. Les chansons incompréhensibles de Clees n’ont malheureusement pas permis de prouver cette hypothèse.
À la fin, surgissait, inattendu, Pierre Gramegna, ministre des Finances, venu là exprès pour dire quelques mots sur son ami Tarrach, recteur d’une « université qui regarde vers l’étranger, ce qu’aucun étranger ne comprendra », félicitant son ami d’avoir réussi à « imposer le Luxembourg dans le monde ». Et dans une rare envolée poétique, il a qualifié le recteur d’homme à la fois du Sud et du Nord, d’homme qui a le cœur en or, qui ne part pas, mais « distribue son soleil parmi nous ». Ainsi soit-il.
De notre journaliste Frédéric Braun