Accueil | Editoriaux | L’ « intolérable baiser »

L’ « intolérable baiser »

Le mariage gay aura bientôt deux ans en France et pourtant, un couple lesbien qui s’embrasse sur un quai de gare, un grand classique, a fait l’objet d’une polémique dont le groupe Thalys se serait bien passé.

Il y a quelques semaines, un couple de femmes s’est embrassé sur le quai de la gare du Nord à Paris. Elles ont dû naïvement penser que se dire au revoir ne prêterait pas à polémique car s’embrasser sur le quai d’une gare est le quotidien qu’observent à longueur de journée les agents ferroviaires.

Mais le fait que ce soit un couple de femmes n’a pas été du goût d’un employé du groupe Thalys qui a sommé le couple de cesser de s’embrasser, qualifié cet acte d’ « intolérable ». Cet agent a non seulement outrepassé ses fonctions, encore faudrait-il la mise en place d’une « police du bisou », mais comble de l’ironie, Thalys avait réalisé quelques mois plus tôt une campagne « gay friendly ». Pour le coup de pub c’est raté pour la communauté LGBT.

Le couple a porté réclamation auprès du groupe en signalant le comportement pour le coup intolérable de l’agent qui, après une rapide enquête, a été mis à pied. Certainement un geste de Thalys pour calmer les esprits et maîtriser un énorme couac en matière de relations publiques. Il n’empêche, la réaction a été rapide.

Cet incident nous aura appris deux choses. Non seulement un couple gay dérange encore en cas de marque d’affection en public, mais certains se permettent de juger et d’aller exposer leurs jugements de valeur en se croyant supérieurs sous prétexte de leur hétérosexualité bien-pensante.

Que l’agent Thalys ne partage pas les valeurs de son entreprise qui place tous ses clients sur un pied d’égalité – après tout, il n’est pas obligé de suivre aveuglement tous les préceptes de son employeur – passe encore, mais il aurait dû garder ses opinions pour lui.

L’homosexualité n’a rien d’intolérable et ce couple voulait, comme n’importe quel autre, se dire au revoir en toute simplicité et surtout qu’on le laisse en paix. Que cela lui plaise ou non.

Audrey Somnard (asomnard@lequotidien.lu)