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Fusillade à Québec : un geste inexpliqué, les musulmans effondrés


Régis Labeaume, maire de Québec, Philippe Couillard, Premier ministre québécois et Martin Coiteux, ministre de la Sécurité publique, lors d'une conférence de presse ce 30 janvier. (photo AFP)

La police tentait lundi de comprendre les motivations qui ont poussé deux jeunes Canadiens, dont l’un serait d’origine marocaine, à ouvrir le feu dimanche dans une mosquée de Québec, tuant six personnes, l’une des pires attaques contre la communauté musulmane perpétrée dans un pays occidental.

L’horreur et l’incompréhension dominaient 12 heures après la tragédie dans laquelle six fidèles réunis au centre culturel islamique de Québec sont tombés sous les balles de deux jeunes hommes, âgés de 25 à 30 ans, selon la police. Arrêtés rapidement, les deux hommes étaient toujours interrogés par les enquêteurs lundi à la mi-journée et devraient être déférés devant un juge, ont indiqué les enquêteurs lors d’un point de presse.

Les auteurs présumés, selon des médias locaux, seraient Alexandre Bissonnette, un étudiant en sciences politiques de l’Université Laval, et Mohamed Khadir, d’origine marocaine, également étudiant. La police n’a pas confirmé leurs identités, se bornant à mentionner leur nationalité canadienne. La communauté musulmane de Québec est effondrée. « C’est terrible pour la communauté, c’est terrible pour le Québec, c’est terrible pour le vivre-ensemble », a confié Mohamed Ali Saïdane, venu lundi à un rassemblement à l’hôtel de ville des élus et des représentants des associations de musulmans.

Vivant depuis plus de 30 ans au Québec, fonctionnaire du gouvernement québécois, il a perdu des amis comme Ezzedine Sophiane qui « s’est levé, a essayé d’arrêter le premier tireur » mais a été tué, laissant trois orphelins. Un Tunisien professeur d’université fait aussi partie des morts.

Inconnus de la police

Les suspects étaient inconnus des services de police jusqu’à leur geste meurtrier dimanche peu avant 20 heures locales quand ils ont ouvert le feu dans la salle au rez-de-chaussée de la mosquée où étaient réunis une cinquantaine d’hommes pour la dernière et cinquième prière quotidienne.

Les premiers appels sont arrivés au 911, numéro d’appel d’urgence, à 19h55, a expliqué Denis Turcotte, inspecteur de la police de Québec. Très vite des effectifs policiers sont déployés autour du petit bâtiment abritant le lieu de culte, au coeur du quartier résidentiel Sainte-Foy, à une dizaine de kilomètres à l’ouest du centre historique de la ville de Québec. A l’extérieur de la mosquée, les policiers interpellent le premier suspect quelques minutes après l’alerte.

Sur le même numéro d’urgence, un homme appelle la police à 20h10 « pour parler de son geste » et finalement confier son intention de se rendre. « Il a dit qu’il était impliqué dans l’incident », a expliqué Martin Plante, officier de la Gendarmerie du Canada (GRC, police fédérale). Armé, l’homme explique alors qu’il a garé son véhicule avec les feux de détresse sur une bretelle d’une voie rapide à environ 20 kilomètres de la mosquée, a raconté l’inspecteur Turcotte.

La police le cueille à 21 heures. La police n’a cependant pas souhaité épiloguer sur les motivations de cette attaque, qualifiée d' »acte terroriste » par le Premier ministre Justin Trudeau. « A ce stade, c’est une enquête intérieure » au Canada, a expliqué Martin Plante pour couper court aux spéculations sur une éventuelle implication de mouvements extrémistes internationaux.

Sécurité autour des mosquées

Ce drame vient jeter une ombre sur l’image d’un Canada inclusif qui a accueilli près de 40.000 réfugiés syriens depuis un peu plus d’un an, comme 60.000 réfugiés vietnamiens et cambodgiens l’avaient été au milieu des années 70. Sur les 36 millions d’habitants au Canada, environ 1,1 million sont de confession musulmane.

« La diversité est notre force et, en tant que Canadiens, la tolérance religieuse est une valeur qui nous est chère », a souligné Justin Trudeau qui devait se rendre à Québec lundi en fin d’après-midi où une veillée devait rassembler toutes les communautés religieuses, la classe politique et la société civile.

« Les mots nous manquent dans ces situations pour vous exprimer non seulement la douleur dans laquelle nous sommes, parce qu’on a perdu des hommes, des gens qui ont commencé la vie dans ce beau pays, dans cette belle ville », a déclaré Mohamed Labidi, un responsable de la communauté musulmane aux côtés des élus à la mairie.

Dès dimanche soir, « nous avons demandé à l’ensemble de nos policiers d’augmenter le niveau de vigilance et de visibilité aux alentours des mosquées et tout endroit de regroupement musulman », a indiqué l’inspecteur Turcotte. La police a rappelé que cette mosquée avait en juin été la cible d’un geste islamophobe quand une tête de porc avait été déposée dans un sac plastique à l’entrée.

Les condamnations de cette attaque ont été unanimes à l’international et les hommages sont nombreux. La ville de Paris, théâtre d’attentats récents, témoignera de sa solidarité en éteignant les illuminations de la Tour Eiffel à partir de minuit.

Le Quotidien / AFP