Des centaines de milliers d’Iraniens ont accompagné mardi à Téhéran l’ex-président Akbar Hachémi Rafsandjani jusqu’à sa dernière demeure, auprès du père de la République islamique, l’imam Khomeiny, dont il était proche.
Selon les autorités de Téhéran, 2,5 millions de personnes ont assisté à ces funérailles, les plus importantes en Iran depuis celles de l’imam Khomeiny en 1989.
La mort dimanche à 82 ans de celui qui a occupé la plupart des plus hautes fonctions dans son pays, dont celle de président (1989-1997), est un coup dur pour le président actuel, Hassan Rohani, comme pour le camp des réformateurs et modérés.
Elu en 2013 grâce au soutien de M. Rafsandjani, Rohani était en effet son protégé et doit briguer en mai un second mandat de quatre ans, cette fois-ci sans l’appui déterminant et les réseaux d’influence de ce conservateur modéré et pragmatique.
Akbar Hachémi Rafsandjani a été enterré dans le mausolée de l’imam Khomeiny, dans le sud de Téhéran, à côté de la tombe du fondateur de la République islamique (1979).
Le convoi arrivait de l’université de Téhéran où le guide suprême Ali Khamenei, entouré des plus hautes autorités iraniennes, avait prononcé « la prière du mort » dans une atmosphère grave.
Après le décès de M. Rafsandjani des suites d’une crise cardiaque, le guide avait loué un « compagnon de lutte » depuis près de 60 ans en dépit de leurs « différences » d’opinion.
Dans une réaction exceptionnelle concernant la mort de dirigeants iraniens depuis la Révolution islamique et la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, les Etats-Unis ont présenté leurs condoléances à la famille du défunt.
« L’ancien président Rafsandjani a été un personnage de premier plan tout au long de l’histoire de la République islamique d’Iran », a en outre déclaré le porte-parole de la Maison Blanche Josh Earnest.
Les différences entre conservateurs, réformateurs et modérés en Iran étaient perceptibles mardi au sein la foule qui a assisté aux obsèques.
Des personnes ont ainsi brandi des photos du guide suprême et de Rafsandjani assis côté à côte en train de sourire, selon des images retransmises en direct par la télévision nationale Irib. « Au revoir vieux compagnon », avait écrit une femme sur une pancarte.
Mais des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont également montré de petits groupes de manifestants scandant des slogans en faveur de l’opposant Mir Hossein Moussavi, en résidence surveillée depuis 2011.
Il était en 2009 l’un des chefs du mouvement de protestation contre la réélection de l’ex-président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, violemment réprimé par les autorités.
D’autres petits groupes ont par ailleurs scandé des slogans en faveur de l’ex-président réformateur Mohammad Khatami, qui a été un proche allié de M. Rafsandjani pour former l’alliance entre réformateurs et modérés ayant permis l’élection de M. Rohani.
La télévision d’Etat a aussi diffusé pendant quelques secondes des images d’un groupe de personnes criant « Salut à Hachémi (Rafsandjani), vive Khatami ».
M. Khatami, dont les déclarations et photos ne peuvent pas être reproduites par les médias, n’était pas parmi les personnalités politiques et militaires de tous bords présentes aux funérailles. Mais il avait appelé ses partisans à y participer massivement.
Parmi ces personnalités figuraient le président Rohani, le général Ghassem Souleimani, chef des opérations extérieures des Gardiens de la révolution, l’armée d’élite iranienne, ou encore le président du Parlement Ali Larijani.
Mardi avait été décrété jour férié en Iran et les transports publics étaient gratuits pour permettre à la population de la capitale de se rendre aux obsèques en nombre.
Dans un communiqué, la famille de l’ayatollah Rafsandjani a remercié les Iraniens pour leur participation massive aux obsèques, soulignant que « la présence impressionnante de la population constituait un immense atout » en faveur de « la modération et l’unité ».
Le guide suprême Ali Khamenei devra maintenant nommer le successeur de M. Rafsandjani à la tête du Conseil de discernement, organe notamment chargé de le conseiller.
L’orientation politique de ce nouveau dirigeant sera déterminante pour l’équilibre du pouvoir aux sein des institutions iraniennes, pour la plupart contrôlées par les conservateurs.
Le Quotidien / AFP