Le ministre des Affaires étrangères fustige la proposition de son homologue autrichien d’installer des camps de réfugiés en dehors de l’UE. Il qualifie cette sortie d’«idéologie d’extrême droite nationaliste».
Jean Asselborn reste fidèle à lui-même en ce début d’année. Interrogé par nos confrères du magazine allemand Der Spiegel, le ministre des Affaires étrangères a sévèrement attaqué l’Autriche pour ses récentes propositions dans le domaine de la migration. «L’UE ne doit pas devenir une forteresse de l’indifférence», met en garde le chef de la diplomatie luxembourgeoise.
Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères reste un «bon client» pour les médias allemands. Après sa sortie très remarquée à la mi-septembre sur une exclusion de la Hongrie de l’Union européenne, Jean Asselborn est revenu à la charge ce week-end. Interrogé par nos confrères du Spiegel, le chef de la diplomatie luxembourgeoise s’est une nouvelle fois montré très peu diplomate, cette fois à l’égard de son homologue autrichien, Sebastian Kurz.
Jeudi, le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche s’était prononcé en faveur de la mise en place de centres de rétention à l’extérieur de l’Union européenne, dans lesquels les demandes d’asile des réfugiés seraient étudiées, sur le modèle de ce que fait l’Australie. L’idée d’installer des camps de réfugiés sur une île a même été évoquée à Vienne.
Pour Jean Asselborn, ces propositions sont intenables. «L’idée de louer une île en dehors de l’UE pour y parquer des réfugiés de Syrie, d’Irak ou de Libye équivaut à une idéologie d’extrême droite nationaliste», tranche le doyen des ministres européens des Affaires étrangères dans les colonnes du Spiegel.
Dans cette même interview est également remis en question le système de quotas pour répartir équitablement les réfugiés à travers les 28 pays membres de l’Union européenne. Ces quotas ont été décidés sous la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, à l’automne 2015. Le système se trouve sous le feu des critiques, en Autriche aussi désormais. Le fait de remettre en question ces quotas équivaut pour Jean Asselborn à une «inclination devant ceux qui veulent détruire l’Europe. Un meilleur contrôle de nos frontières extérieures ne peut fonctionner que si les pays membres de l’UE assurent une répartition équitable des réfugiés parmi eux».
«Je trouve cela étonnant»
Jean Asselborn vole également au secours de la chancelière Angela Merkel et de sa décision d’ouvrir, à l’été 2015, les portes aux réfugiés. À quelques jours de la visite de la chancelière au Luxembourg, le ministre des Affaires étrangères qualifie les décisions d’Angela Merkel de «justifiées». «L’UE ne doit pas devenir une forteresse de l’indifférence lorsque des personnes persécutées frappent à sa porte», souligne ainsi le chef de la diplomatie luxembourgeoise. Il fait également part de son irritation concernant les propos de son homologue autrichien, qui se dit «fier» de ne pas avoir accueilli les réfugiés à la gare de Vienne à l’été 2015. «Je trouve cela étonnant», affirme Jean Asselborn. Il ajoute que la décision d’ouvrir les vannes à l’été 2015 à la frontière hongroise était inévitable pour empêcher que des scènes comme celles qui se sont produites à Budapest durant cette période ne se multiplient sur la route des Balkans.
Alors que l’Union européenne s’apprête à fêter cette année les 60 ans du traité de Rome, qui se trouve à la base de la Communauté européenne, Jean Asselborn reconnaît la menace qui pèse sur ce projet d’unification et de paix. Mais le ministre des Affaires étrangères continue à croire en l’avenir de l’UE. «On peut écarter cette menace. Dans la politique migratoire, il existe une logique de droite et de gauche : un cloisonnement aveugle ou une humanité réglementée. Si cette dernière option finit par émerger, l’UE va survivre», conclut un Jean Asselborn à la fois confiant et remonté.
David Marques