Une grand-mère russe doit s’occuper de ses petits-enfants, leur préparer à manger et se ficher de la mode: pour Olga Kondracheva, 71 ans, poser pour un magazine féminin est une façon de lutter contre ces clichés à la peau dure.
« J’ai déjà plus de 70 ans mais ma vie ne fait que commencer, et elle est si intéressante », dit cette femme mince aux cheveux blancs ondulés, à quelques minutes d’une séance photo organisée dans un élégant studio du centre de Moscou pour l’édition russe de Cosmopolitan. A son âge, Olga Kondracheva a déjà vécu plusieurs vies : elle a participé à des expéditions zoologiques à travers la Russie, joué des rôles de figurantes au cinéma… et est aujourd’hui mannequin. Elle explique n' »avoir jamais fait de formation pour mannequins » mais avoir « toujours été fascinée par ce métier ».
« Je découvre un aspect de moi tout à fait différent. Quand je suis bien coiffée, bien maquillée, bien habillée et qu’il y a une bonne musique qui joue, c’est magnifique, incomparable! », s’exclame-t-elle. C’est grâce au projet Oldushka, lancé sur Internet par le photographe Igor Gavar, qu’Olga s’est retrouvée devant l’objectif d’un appareil photo professionnel. Oldushka, qui fusionne les mots anglais « old » (vieux) et russe « babouchka » (grand-mère), vise à mettre en valeur la beauté des personnes âgées, leur visage et leur style, dignes « de vrais mannequins », assure le photographe.
« Je voulais montrer que des personnes âgées sont capables de travailler dans l’industrie de la mode et qu’elles peuvent être belles, avec des rides et des cheveux blancs », explique celui qui se dit passionné par la beauté du troisième âge. Il trouve ses modèles en pleine rue, dans un supermarché, sur une piste de danse ou encore sur une terrasse. Alors qu’une pension de retraite en Russie, un pays à la population vieillissante, est d’environ 200 euros par mois en moyenne, ce projet permet aussi aux modèles de gagner « un petit revenu supplémentaire », souligne-t-il.
« Une petite fête »
Ce photographe a réussi à organiser de nombreuses séances photos pour une dizaine de « muses », parmi lesquelles Olga Kondracheva, mais aussi Irina Denissova, une ancienne hôtesse de l’air de 80 ans ou encore une ingénieure à la retraite, Lioudmila Brajkina, 64 ans. Ces grands-mères assurent que ces quelques shootings de mode pour des catalogues de stylistes russes ou encore des revues du design et des publicités leur ont permis de voir la vie différemment.
« Cela a ajouté de la couleur à ma vie. C’est toujours si joyeux, si positif! », se réjouit Lioudmila Brajkina. « Pendant les séances photos, on me voit différemment que ce que je vois, moi, dans mon miroir. Ca fait plaisir. C’est comme une petite fête! », sourit-elle. Mais leurs proches ont parfois du mal à comprendre leur enthousiasme.
« Au début, mon mari était très fâché, il me demandait tout le temps: +Pourquoi tu fais ça ? », se souvient Olga Kondracheva. « Ensuite, il a vu que cela me donnait une vie intéressante, très active, qui me permet de rester en forme. Et maintenant, il me soutient ». Selon l’ONG russe Dobroïe delo (Bonne action), qui vient en aide aux personnes âgées en difficulté, « le stéréotype d’une femme à la retraite qui reste à la maison et garde ses petits-enfants est en train de changer ».
Alors que l’âge de la retraite en Russie est de 55 ans pour les femmes et de 60 ans pour les hommes, « les retraités russes font des miracles: ils travaillent comme bénévoles, ils mobilisent les jeunes et organisent même des concours de beauté » pour le troisième âge, énumère le responsable de cette ONG, Edouard Karioukhine. Actuellement, le pourcentage de ceux qui ont dépassé l’âge de partir en retraite dans la population russe est de 24,6% et il devrait atteindre 27% d’ici 2025, soit 39,9 millions de personnes, selon le ministère de la Santé.
« Le potentiel des personnes âgées est colossal. Il faut juste les aider à organiser leurs loisirs », affirme Edouard Karioukhine.
Le Quotidien/afp