Les prostituées en activité à Paris sont régulièrement victimes d’agresseurs en série, mais elles portent rarement plainte par crainte d’ennuis avec la police, a dénoncé Médecins du monde (MDM) dans un rapport rendu public lundi.
Sur 72 affaires concernant 142 prostituées suivies par le Lotus bus – un bus de MDM qui propose une assistance juridique, administrative et sanitaire aux travailleuses du sexe parisiennes -, 22 sont le fait d’agresseurs en série, soit «30%» du total, note l’ONG dans son rapport, écrit en partenariat avec l’association Les amis du bus des femmes et avec le Syndicat du travail sexuel (Strass). Dans plus de la moitié des cas, les femmes agressées ont été violées, dénonce Médecins du monde.
Sur 33 affaires suivies par Les amis du bus des femmes, une structure d’aide aux prostituées, six sont le fait d’agresseurs en série, soit 18%, pointe l’étude, issue d’un programme intitulé : «Tous en marche contre les violences faites aux travailleuses du sexe». «Les travailleuses du sexe sont ciblées» par ces agresseurs «car elles sont vulnérables», observe Sarah-Marie Maffesoli, cadre de MDM, en charge du rapport. «Et plus elles sont vulnérables», parce qu’elles ne parlent pas français ou qu’elles sont sans-papier, «plus elles sont ciblées», ajoute-t-elle.
Sachant qu’une prostituée qui n’est pas en règle n’ira pas voir la police, «les agresseurs sont certains de leur impunité», poursuit-elle, lors d’un entretien. «Pratiquement personne ne porte plainte par peur de se rendre visible» de la police, d’être «identifié» par elle, affirme Thierry Shaffhauser, porte-parole du Strass. Récemment, quand des prostituées chinoises ont voulu dénoncer leurs agresseurs, plutôt que d’être aidées par la police, celle-ci «a fermé des appartements et arrêté les propriétaires pour proxénétisme», raconte-t-il.
Le vote de la loi prostitution en avril, «semble avoir plutôt favorisé les violences à l’égard des prostituées qu’accru leur protection», souligne le rapport. Depuis lors, les clients sont passibles d’une amende de 1 500 euros, pouvant monter à 3 750 en cas de récidive. Ce qui a causé leur raréfaction et une paupérisation des travailleuses du sexe. Par ailleurs, les clients qui restent sont eux plus enclins à négocier les prestations à la baisse ou le port du préservatif, selon ces associations.
«Les prostituées sont devenues tellement précaires du fait de la pénalisation du client que certaines ont accepté des rapports avec d’anciens agresseurs en espérant qu’ils seraient moins violents», s’étrangle Mme Maffesoli.
Le Quotidien/afp