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Mudam : entre le chaos de l’affaire Lunghi/RTL et les projections vers 2017


Jeudi, Enrico Lunghi, directeur démissionnaire, a préféré parler du musée plutôt que de l'affaire avec RTL. (photo Isabella Finzi)

Jeudi, le Mudam, toujours secoué et fragilisé par l’affaire Lunghi/RTL, a présenté son programme pour l’année prochaine, concocté par son directeur démissionnaire, Enrico Lunghi.

Jeudi, Enrico Lunghi a présenté sa«dernière» conférence en tant que directeur du Mudam, poste qu’il quittera à la fin de l’année, profitant de l’occasion pour rappeler en quoi le musée a toujours eu une démarche juste et «cohérente».

Voilà déjà plusieurs semaines qu’au Mudam, on ne parle plus d’art. Ni contemporain ni moderne, d’ailleurs. Non, les discussions suivent les mouvements chaotiques de l’affaire Lunghi/RTL*, étonnante série aux rebondissements rocambolesques. Rien que ces derniers jours, l’équipe du musée, « profondément attristée », a rappelé combien son futur ex-directeur a « contribué à la réputation » de celui-ci, aujourd’hui « fragilisé », tandis que l’IKT (International Association of Curators of Contemporary Art) s’insurgeait mercredi des errances médiatiques observées, de loin, au Luxembourg, et de cette « perte déplorable ».

Entre ces deux réactions, l’intéressé a attaqué son tourmenteur en lui réclamant des dommages et intérêts, alors que le Premier ministre, Xavier Bettel, pointé du doigt pour sa trop grande réactivité (calculée?), est resté droit dans ses bottes devant la Chambre des députés, lâchant un tout aussi spontané « si cela devait se reproduire, je réagirais de la même manière ». Dans ce jeu de belles paroles, la palme revient quand même au conseil d’administration du Mudam qui, après avoir douté et tourné le dos à Enrico Lunghi, a affirmé avoir « toujours entièrement appuyé le directeur dans ses choix artistiques ». Comme quoi, avec un maximum de mauvaise foi, tout se justifie!

Bref, autant dire qu’hier, lors de la présentation de la programmation pour 2017, les mines ne respiraient pas la joie de vivre. Entouré de ses fidèles représentants – Christophe Gallois, Marie-Noëlle Farcy et Clément Minighetti –, celui qui a géré le Mudam ces huit dernières années avait la gorge serrée, prenant le micro pour annoncer ce que tout le monde savait déjà : « C’est sûrement ma dernière conférence ici », lâchait-il sous une voûte grise et nuageuse, très humeur du moment.

Su-Mei Tse, le symbole

Mais plutôt que de parler du présent – et de l’affaire qui l’agite encore, sachant qu’une enquête disciplinaire menée à son encontre par l’État est toujours en cours – ou du futur, avec ces prochaines réjouissances, Enrico Lunghi a préféré répéter sa démarche, la même qu’il s’évertue à appliquer depuis 2009. « Je suis persuadé que le Mudam doit se définir par rapport au contexte et à son histoire », lâche-t-il, comme dans un bilan déguisé. Il poursuit  : « Cela implique quelque chose qui nous soit propre », précisant qu’« on ne peut pas y faire la même chose qu’à Paris, Londres ou Berlin. Cela n’aurait pas de sens! »

En effet, « on croit que signer une programmation – qui fait l’identité et l’exemplarité d’un musée – se fait facilement. Mais non! Il faut tenir compte des moyens humains, comme financiers, et des contraintes imposées par le bâtiment. Sans oublier qu’il faut être à l’écoute des attentes du public, des politiques et du monde culturel. » Autre visée défendue, celle d’avoir toujours « laissé une part importante aux artistes féminines » (au moins, on ne pourra pas l’accuser de sexisme!), ainsi qu’« à ceux du Luxembourg ».

Su-Mei Tse, qui sera l’une des attractions à venir au Mudam (fin 2017), est un beau symbole de cette double préoccupation. Signe, toutefois, du malaise actuel : ni le conseil d’administration ni le ministère de la Culture n’étaient là, hier, pour (ré)entendre ces principes – les mêmes, sûrement, pour lesquels ils l’ont embauché…

Ceux, en tout cas, satisfaits du départ d’Enrico Lunghi, apprendront avec tristesse qu’il a « posé quelques jalons pour les saisons à venir », avec, entre autres, une exposition dédiée à Jeff Wall en 2018 et une autre à Bert Theis, récemment disparu, l’année suivante. Des rendez-vous qui paraissent loin au vu de l’agitation de couloir et du recrutement, en cours, du nouveau directeur. À moins d’un ultime et inattendu rebondissement, digne des meilleures telenovelas, dans lesquelles, on le sait, personne ne meurt jamais véritablement.

Grégory Cimatti

* Enrico Lunghi a démissionné fin novembre de son poste de directeur du Mudam à la suite de la diffusion, début octobre, d’un reportage montrant son «agression» d’une journaliste de RTL, et dont il dénonce la manipulation. Cette démission a provoqué une vague de soutiens nationale et internationale. Elle soulève bon nombre de questions sur la gestion de cette affaire par RTL et par le ministre de la Culture, Xavier Bettel.

Le Mudam en 2017

Trois temps forts rythmeront la vie du musée en 2017.

TONY CRAGG (11 février – 3 septembre)

Pour ce sculpteur anglais, « la matière est tout» . Il expose au Mudam une trentaine de ses œuvres, dont deux sont issues de la collection du musée.

DARREN ALMOND. TIMESCAPE (11 février – 14 mai)

Ses photos, vidéos, sculptures, peintures et pièces textuelles rassemblent des motifs tels que l’univers, les glaciers polaires, l’ombre, le cycle des saisons…

Un beau voyage dans le temps, l’espace et le paysage.

SAMUEL GRATACAP. EMPIRE (11 février – 14 mai)

Photographe dont le travail s’inscrit dans le champ des arts visuels et celui des médias ( Le Monde ), il s’intéresse aux phénomènes de migration, comme c’est le cas avec «Empire», résultat d’un travail de deux ans dans le camp de réfugiés de Choucha, en Tunisie.

AD REINHARDT (17 juin – 21 janvier 2018)

À travers un ensemble d’illustrations et de dessins, l’exposition souligne la grande liberté de ton et l’engagement de ce célèbre artiste-illustrateur.

MARTIN EDER. PSYCHIC (17 juin – 10 septembre)

Figure de la scène artistique berlinoise, à la fois peintre et musicien, Martin Eder développe une œuvre picturale où se mêlent kitch, érotisme et figures mythologiques. Il a collaboré avec Catherine Lorent, en 2013, pour le pavillon luxembourgeois lors de la Biennale de Venise.

COLLECTION MUDAM (17 juin – 10 septembre)

Des œuvres pour réfléchir sur le sens de la narration et de l’Histoire.

MARY REID KELLEY (17 juin – 10 septembre)

Peintre de formation, l’artiste américaine fait de la vidéo en noir et blanc, de facture expressionniste. Du cinéma brut et souvent sombre.

FLATLAND / ABSTRACTIONS NARRATIVES #2 (7 octobre – 15 avril 2018)

Une exposition collective qui s’intéresse à la manière dont, depuis les années 1960, des artistes s’inspirent des vocabulaires abstraits qui ont traversé le siècle dernier pour les infiltrer de récits.

SU-MEI TSE (7 octobre – 8 avril 2018)

Fruit d’un travail de recherche développé sur plusieurs années à l’occasion de séjours dans différents contextes géographiques (Italie, Japon…), l’artiste luxembourgeoise Su-Mei Tse dévoile des œuvres spécialement produites pour l’occasion, dont une nouvelle installation pour le Grand Hall.

Informations : www.mudam.lu